Journée d’un justiciable ordinaire face à Martino.

Nous sommes le Jeudi 3 Septembre 2015, je suis convoqué à 13H30 devant La Cour d’Appel Correctionnelle de Paris, Pôle 2 Chambre 7.

Devant cette Cour, Martino, contrôleur fiscal, qui m’a ruiné sans aucun motif, se plaint du fait que je le raconte partout — notamment ici sur ce blog — et que je dénonce ses méthodes. Il confond mes accusations — parfaitement justifiées — sur les dérives de sa profession entretenues par l’impunité dont elle bénéficie et le secret qu’elle cultive, et sa propre personne que je ne connais pas et que je ne me permets pas de juger. Je crois pouvoir faire – même si cela est difficile – un distinguo entre l’homme et le fonctionnaire, entre son âme et son activité. Cela n’a pas l’air d’être son cas.

Peu importe, chacun sait que les tyrans sont fragiles. C’est d’ailleurs pour compenser leur fragilité qu’ils éprouvent le besoin d’être des tyrans.

Donc, levé 5 heures pour prendre le TGV pour Paris à 7H à Montpellier.

Arrivée à 11H30, voyage banal au milieu de passagers endormis. Quelques ralentissements proches de l’arrêt total, en pleine voie, provoquent un retard d’une dizaine de minutes, pas de quoi fouetter son chat.

A midi, légère collation dans la brasserie opportunément située en face la porte du Palais de Justice. Cette brasserie ne désemplit pas. Entre les avocats de province et leurs clients qui y adaptent leur timing, les asiatiques aux cheveux noirs de jais et les blonds scandinaves qui viennent visiter la funeste conciergerie où des milliers d’innocents ont vécu leurs dernières heures en attendant la guillotine, arme absolue de l’égalité comme chacun le sait, puisque ce qui différencie les hommes est dans la tête. Bref, c’est la foule.

A 13H30, je me présente au lieu de la convocation, j’apprends que La Cour n’a pris que deux affaires ce jour là.

Celle de M. Guaino, député en délicatesse avec le Juge Genty qui a porté plainte contre lui, et la mienne. Fichtre.

Je comprends que le défenseur de Guaino est Dupond-Moretti. Re-fichtre.

Tout naturellement, mon affaire sera prise en second. Pas de problème, je dirais même au contraire, l’idée de voir plaider Dupond-Moretti, star incontestable du barreau, n’est pas pour me déplaire.

Va donc pour l’affaire Guaino-Genty.

A l’occasion de l’exposé de l’affaire par la Présidente, nous apprenons que le député Guaino, offusqué par la mise en examen de Sarkosy ordonnée par le juge Genty, aurait publiquement fait part de son émotion et accusé Genty de dérives, que je n’ai pas toutes comprises.

Que n’avait-il dit ? Comment imaginer que l’on puisse penser publiquement qu’un juge d’instruction puisse être autre chose qu’une sorte de Sainte Vierge ignorante du mal, couplée en la même personne à un farouche guerrier du type “Jedi” opérant au laser, le tout équipé d’une intelligence, d’une bonté et d’une compréhension quasi divines.

Genty, pas content du tout d’avoir été décrit autrement par Guaino, a porté plainte. Le parquet, qui ce jour là n’avait sans doute rien à faire, les voleurs, violeurs, assassins et escrocs en tout genre observaient probablement un jour d’abstinence, s’est emparé du problème. Voilà Guaino cité à comparaître et absous en première instance. Le parquet fait appel : “à moi la légion”.

La problématique développée à l’audience était la suivante : Le député est un être au dessus des autres, il a le droit de dire ce qu’il veut.

Ils avaient tous l’air d’être d’accord sur ce principe, quand-même !!! Ce qui les séparait c’était le moment et le lieu. A l’assemblée le Mercredi c’était oui, le reste du temps c’était non. Pendant trois heures, avocats et magistrats ont déployé une intense activité intellectuelle sur le sujet.

En moi-même, je me disais : qui se sent concerné par les saillies de M. Guaino et le “pince du bec” du juge Genty ? Pas grand monde à en juger par l’assistance. D’un autre côté, je suis si peu de chose. Ai-je même le droit de me poser ce type de question ?

Ces trois heures, qui ne changeront pas le destin de la France, ont été égaillées par la prestation de Dupond-Moretti. Il se présente sous la forme d’un gros ourson mal dégrossi, grognon, vouté comme ceux dont la grandeur qui les habite ploie leurs épaules dans l’espoir de moins paraître.

C’est un grand avocat. Je vais vous dire pourquoi : parce qu’il ne ment pas.

Il se bât avec les moyens qui sont en sa possession. Il le fait sincèrement. Le contraste avec ses adversaires aboyant au vent jusqu’à en perdre le fil de leur exposé était saisissant.

Sa faiblesse fut son client Guaino et sa prétention qui, en fin d’audience, l’a amené à prendre la parole pendant une demi-heure, pour un exposé insipide, convenu, sans intérêt, qui a complètement cassé l’ordre moral installé par Dupond-Moretti, qui seul aurait peut-être pu sauver de la sanction Guaino, visiblement transgresseur de la loi.

Juste avant

Un incident guignolesque anima cette longue journée décidément riche en surprises.

J’apprends que je suis aussi convoqué à la même heure, à l’étage en dessous, devant la 17ième chambre du TGI. Allons bon.

Je m’y rends. Et, là, je découvre que Martino a déposé contre moi une nouvelle citation directe en diffamation. Stakhanoviste de la citation le Martino !!!!

Si vous ne croyez pas en la justice immanente, révisez vos croyances.

Figurez-vous que nous avons à Sète un huissier qui ne délivre pas les actes qui lui sont confiés. En effet, l’étude “ABC Droit”, au lieu de venir chez vous signifier tel ou tel acte, adresse aux intéressés une lettre menaçante leur intimant l’ordre de venir retirer le document en l’étude. En fait, cet huissier vous propose de prendre à votre charge le travail pour lequel il est payé. Puis, il établit un faux déclarant qu’il est venu chez vous et vous êtes alors considéré comme ayant été informé par lui.

Parfaitement au courant, le parquet de Montpellier trouve cela tout à fait normal, la Chambre des Huissiers aussi, dont acte.

Personnellement, je ne réponds pas aux injonctions de cet huissier, je ne vais pas chercher de document chez lui, Inch Allah.

Du coup, j’ignorais cette plainte de Martino déjà passée devant le TGI pour consignation. Absent à l’audience, le Tribunal avait exigé de Martino qu’il me délivre une nouvelle citation pour, justement, le 3 Septembre 2015. Incroyable, non ?

Le plus drôle : Martino a oublié de le faire. Du coup, le TGI s’est déclaré non saisi. Trop fort.

La Cour d’Appel

Il est 17H quand mon affaire est appelée. Nous sommes entre nous. Toujours le fameux huis clos de mes dossiers fiscaux systématiquement appelés en fin d’audience, quand tout le monde est parti.

Un conseiller présente le dossier. Il s’exprime courtoisement à mon égard, ce qui est nouveau pour moi. Je ne suis pas coupable dit-il d’éditer un blog qui conteste le fonctionnement des contrôles fiscaux – encore heureux – mais je ne dois pas mettre en cause nommément les agents du fisc.

Je devrais sans doute dire “machin” m’a fait ça, ou peut-être ne rien dire du tout.

Comment exposer les choses sans parler des acteurs, comment décrire la vie sans donner son émotion ? N’aurions nous donc pas le droit de dire ce que nous croyons mal et ce que nous croyons bien, et de nommer les acteurs de ce mal ou de ce bien?

Martino a la parole. Il se présente accablé par mes billets, vivant une angoisse journalière, une peur du lendemain et de mes billets à venir qui le mine et l’amène à demander 3.000 € de compensation au terme de cette procédure, qui lui est payée par Bercy,  financée par nos impôts.

Evidemment, aucune compassion pour mon massacre financier, dont il est l’auteur.

A la question de la mise en cause de ses redressements par le rapporteur public de la CAA de Marseille, il évacue d’un haussement d’épaule au motif qu’il s’agit d’un détail technique.

Quant à la réalité des contrôles fiscaux décrite par Francis Le Poizat, il glisse en souriant au magistrat que Le Poizat est maintenant avocat fiscaliste et que donc ceci explique cela. Le pire est la connivence affichée du magistrat sur cette explication.

Il y a bien deux France, quel gâchis.

En résumé, je suis face à des magistrats qui, objectivement, ont l’air parfaitement honnêtes mais à des années lumières de la réalité de la fiscalité et des contrôles fiscaux, et qui n’ont aucunement l’ambition de réduire cette distance.

Il n’en reste pas moins que, dans cette affaire particulière, pour me condamner La Cour va devoir tordre le droit et la réalité.

Elle devra créer une jurisprudence suicidaire qui ferait que, mettre un lien vers un écrit passé qui n’est ni plus ni moins qu’un onglet vers une bibliothèque, serait considéré comme une nouvelle publication. La Cour Européenne, tenant compte des nombreux avis de penseurs du droit sur ce sujet, ne devrait pas accepter une telle jurisprudence.

La Cour devra, qui plus est, considérer que cette nouvelle publication issue d’un lien peut changer intrinsèquement la réalité du document concerné. En effet, dans cette affaire, est visé un document accusatoire d’audience, exclu par l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 d’action en diffamation, qui deviendrait soudain accessible à une procédure diffamatoire.

Nous en sommes là. Délibéré au 22 Octobre 2015. Retour à la maison à deux heures du matin le Vendredi 4 Septembre, dure journée.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

5 réflexions sur « Journée d’un justiciable ordinaire face à Martino. »

  1. bonsoir,
    sans vouloir paraître irrespectueux et toute ressemblance a des personnages existant ou ayant existé qui serait purement fortuite …le personnage MARTINO sortant tout droit de la romance d’une expérience de justice du dénommé DUMAS. cela me fait penser a
    Pierre Brochant, célèbre éditeur parisien, organise chaque mercredi avec des amis un « dîner de cons » : chaque organisateur amène avec lui un « con », intarissable sur un sujet précis, qu’il a déniché au hasard. Ensuite, les organisateurs se moquent des « cons » toute la soirée sans que ces derniers s’en rendent compte. À l’issue du repas, on choisit le champion.
    le but étant bien sur de faire rire les convives et se s’amuser de la situation, ce qui n’est surement pas le but d’une juridiction comme la cour d’appel .
    je souhaite donc a notre ami Henri bonne chance car au prochain banquet ( cour européenne ) il sera le maitre de cérémonie et non plus l’invité .
    On est toujours le con de quelqu’un. Le tout est de ne pas être celui de tout le monde.

  2. Bonsoir je salue votre courage votre expression et votre humour malgré la teneur
    de l affaire. J attendais votre billet afin de connaître le déroulé de séance nous
    avons pense a vous croise les doigts et même au delà. C est tellement dur les
    audiences et si nous avions quelques certitudes de justice cela ne serait rien
    C est le grand problème. Bonne soirée soyons patients et reposez vous bien.

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