LA DUPLICITÉ DES POLITICIENS SIGNE-T-ELLE L’ÉCHEC DES DÉMOCRATIES? par Patrick Aulnas

Par Patrick Aulnas.

Napo xilografia credits Esculapio Perez (CC BY-NC-SA 2.0)

 

Les politiciens sont aujourd’hui totalement déconsidérés. Ils ne le doivent qu’à leur soif d’accumuler du pouvoir et corrélativement de priver les individus de la capacité de décider par eux-mêmes et pour eux-mêmes. La construction de l’État-providence a été l’occasion pour les professionnels de la politique de répondre à des demandes sociales multiples en se posant en détenteurs de toutes les solutions. En feignant d’être responsables de tout, ils obtenaient des moyens sans cesse croissants. Mais comme il est impossible de trouver des solutions politiques pour tout problème, ils ont promis l’impossible et n’ont plus désormais la confiance de personne.

Des exemples récents illustrent cette démesure des politiciens : le transport de personnes et la collectivisation totale de la santé. Il s’agit toujours d’interdire, de réglementer finement, d’accumuler du pouvoir au détriment du libre choix individuel.

Le maquis règlementaire du transport de personnes

En France, la saga du transport de personnes contre rémunération, avec d’un côté les taxis, de l’autre les VTC (voitures de tourisme avec chauffeurs), enfin le système UberPOP, a pu laisser pantois bon nombre d’observateurs ne connaissant pas initialement le maquis réglementaire dans ce domaine. Quoi ! Il était interdit de transporter librement des personnes contre rémunération ! Il était même interdit de mettre en relation une personne souhaitant transporter et une personne souhaitant être transportée. Impossible même, avant la loi Macron, de créer une société privée de transport collectif de personnes car il fallait protéger le monopole de la SNCF. Nombreux sont ceux qui ont découvert avec sidération que notre liberté n’est qu’une fiction, un slogan pour tribune politique, et qu’en réalité nous sommes emprisonnés dans un filet réglementaire aux mailles de plus en plus serrées. Le bon sens le plus élémentaire conduit d’ailleurs à penser qu’à plus ou moins long terme, toute cette réglementation archaïque, destinée à protéger des professions monopolistiques, va s’effondrer, quelles que soient les pitoyables gesticulations des politiques.

Comment en effet pourrait-on brider à ce point les moyens de communication modernes sans sortir totalement de la démocratie ? Comment interdire le rapprochement offre-demande en toute liberté par internet (UberPOP) ? On s’aperçoit que le web gêne de plus en plus les politiciens car il est facteur de liberté. Les dictatures tentent de le censurer et les démocraties essaient de le réglementer. Pas pour protéger les citoyens, mais pour conserver la mainmise sur l’organisation de la société par de multiples normes juridiques. Cette mainmise est l’apanage d’un tout petit groupe de politiciens professionnels qui tirent de l’élection une légitimité de plus en plus chancelante. Car la pathologie réglementariste dont ils sont atteints les coupe de plus en plus de la société. Ils construisent un pays légal dont ils maîtrisent tous les ressorts, mais qui est rejeté par le pays réel.

L’illusion des soins de santé gratuits

Dans le domaine de la santé, une loi récente vise à généraliser le tiers-payant et à imposer aux médecins de nouvelles contraintes réglementaires liées à sa mise en œuvre. Pourquoi diable généraliser le tiers-payant ? La réponse officielle est qu’il permet aux plus modestes de ne pas faire l’avance du prix de la consultation médicale et qu’il constitue une meilleure solution organisationnelle en diminuant les flux financiers. Mais ce ne sont là qu’arguments invoqués par des personnes appartenant à la superstructure du système de santé actuel (cadres de la Sécurité sociale, technocrates d’État). En réalité, ne jamais payer pour se faire soigner induit une mentalité collectiviste. La santé est présentée comme gratuite, entièrement prise en charge par la collectivité étatique qui, par conséquent, doit aussi en assumer la responsabilité. Une telle solution est une dérive évidente vers une dépossession totale des individus en matière de santé. On voit bien, à plus ou moins long terme, se profiler une société dans laquelle la santé d’une personne sera entièrement prise en charge par le groupe sans que l’individu puisse même donner son avis. Si l’on croit que la liberté individuelle ne peut être éradiquée à ce point, il en résulte que cette orientation est encore une erreur politique majeure visant à confisquer à terme la liberté de choix pour permettre aux politiciens d’accumuler du pouvoir.

Bien sûr, cela n’aura pas lieu pour des raisons financières. Le système public de santé est financièrement à bout de souffle. Des mesures drastiques de rééquilibrage dépenses-recettes devront être adoptées, sinon le système explosera dans quelques décennies. On peut donc penser qu’à long terme, le monopole de la Sécurité sociale disparaîtra car seule la concurrence peut induire une gestion efficace. Mais visiblement, pour l’instant, le court terme a le vent en poupe : accroître encore le degré d’irresponsabilité par le tiers-payant ne peut conduire qu’à creuser davantage les déficits et à accélérer la chute. Nos politiques n’en ont cure puisque ce sont leurs successeurs qui en supporteront les conséquences. Il suffit donc de susurrer à l’oreille des électeurs : « Laissez-nous faire, votre santé c’est notre problème ».

La dissipation du mirage politique

Il y a une duplicité inhérente à la fonction politique dans toutes les démocraties. Si les dictatures sont brutales et annihilent toute liberté, les démocraties sont douces et promettent un monde meilleur. Mais elles étouffent la liberté par la réglementation tous azimuts et les prélèvements obligatoires croissants. Savante manœuvre des politiciens, dont peu de citoyens ont une claire conscience mais qu’ils ressentent désormais de plus en plus. Quand il n’est plus possible de prendre la moindre initiative sans déposer au préalable un dossier dans une administration, les individus commencent à se poser des questions sur leur marge de liberté. Quand les impôts et les cotisations ne cessent d’augmenter pour un service public qui se dégrade, nombreux sont ceux qui pensent pouvoir faire un meilleur usage de leur argent.

Le subtil discours qui consistait à prétendre que seul le politique détient les solutions, qu’il est seul légitime du fait de son élection, ce discours prend l’eau de toutes parts. La médiocrité éthique de nos dirigeants, impliqués dans de multiples affaires, financières ou non, a permis aux yeux de se déciller : le ministre du budget fraudeur fiscal, le président-candidat aux prises avec les mystères du financement de sa campagne électorale, l’ancien ministre de l’économie et directeur général du FMI menotté à New York. Et la liste pourrait être longuement poursuivie. Comment pourraient-ils encore feindre d’agir pour le bien public ? Chacun a désormais senti ou compris qu’ils n’agissent que pour conquérir le pouvoir à tout prix.

La démocratie en tant que régime politique a-t-elle échoué ? Peut-on encore parler de démocratie lorsque les espaces de liberté se réduisent de décennie en décennie. Plus exactement, la liberté sociétale s’accroit (contraception, IVG, mariage homosexuel) mais la liberté économique et sociale s’estompe. Sous couvert de justice sociale, la démocratie sacrifie l’individu au collectif, la liberté à l’ambition de quelques-uns. Le risque est aujourd’hui considérable car nous ne disposons pas de solution de rechange. Comment concilier politique et liberté ? S’il existe des théories dans ce domaine, l’expérience manque et les démagogues assoiffés de pouvoir rôdent.

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