LE CONTROLE FISCAL RAPPORTE DE PLUS EN PLUS A L’ETAT. par Olivier Bertaux

Le 11/04/2016    Par Olivier Bertaux   dans Contribuables Associés

Si les redressements fiscaux augmentent toujours, ce n’est pas forcément le cas des sommes réellement encaissées par le Trésor. Cherchez l’erreur…

Bercy a communiqué début mars les derniers chiffres des redressements fiscaux. Ils sont en constante augmentation et s’élèvent pour 2015 à 21,2 milliards d’euros, contre 19,3 milliards d’euros en 2015. Soit 1,9 milliards de plus, après 3,2 milliards d’augmentation l’année précédente.

Et pourtant le nombre de contrôles fiscaux a diminué, passant de 51 740 à 50 168. La première réaction devant ces résultats est bien sûr de se réjouir de voir une administration qui renforce son efficacité et surtout en tire une fierté non dissimulée. On peut se dire que plus de 20 milliards pris sur les fraudeurs qui rentrent dans les caisses de l’État, c’est autant en moins qu’auront à payer les contribuables honnêtes.

La réalité n’est pourtant pas aussi idyllique. Car en y regardant de près, on s’aperçoit que les montants redressés comprennent 2,65 milliards d’euros au titre du fameux « STDR », service de traitement des déclarations rectificatives, appellation pudique de la cellule de dégrisement de Bercy chargée de négocier avec les contribuables indélicats le rapatriement en France des fonds non déclarés à l’étranger.

On peut donc dire que sans cette manne providentielle qui ne saurait s’éterniser, les contrôles auraient moins rapporté que par le passé. En outre, il faut savoir qu’obliger des contribuables à rapatrier leurs fonds en passant sous les fourches caudines de Bercy, c’est aussi en inciter d’autres à s’exiler définitivement car le fisc français pourra difficilement reprocher à un résident étranger d’avoir un compte à l’étranger…

Mais d’autres chiffres du rapport laissent perplexes. En effet, alors même que Bercy reconnaît lui-même que la TVA est la première source de fraude, on s’aperçoit qu’il s’agit du seul impôt pour lequel les redressements diminuent, passant en deux ans de 4,5 à 3,7 milliards d’euros.

Or, à part ceux qui se trompent parmi le maquis de taux existant, l’infraction à la TVA s’avère le plus souvent effectivement frauduleuse puisqu’il s’agit de ne pas reverser la taxe pourtant collectée ou de se faire rembourser un crédit de TVA fictif par un montage d’entreprises tout aussi fictives.

Fraudeurs et contribuables de bonne foi

Il est donc regrettable que la lutte contre la fraude à la TVA semble perdre en efficacité, alors même que les redressements en impôt sur le revenu ou en impôt sur les sociétés ne cessent de progresser. Or, pour ces derniers impôts, on sait très bien qu’à côté des réels fraudeurs, existent aussi des contribuables de bonne foi qui ne s’y retrouvent plus dans la jungle fiscale et commettent donc des erreurs sans réelle intention de nuire.

A ce propos, le rapport, au demeurant fort bien présenté et qui a le mérite de la transparence, distingue les redressements des entreprises et des particuliers, les premières subissant 14 milliards d’euros de rappels et les seconds 7 milliards d’euros. Mais sans distinguer ce qui relève de la simple erreur et ce qui témoigne de la mauvaise intention, ce qui n’est pourtant pas neutre.

Et si les entreprises ont l’air plus touchées que les particuliers, il ne faut pas oublier que les redressements des entreprises naissent souvent d’une simple anticipation de charge. C’est-à-dire que les entreprises cherchent à déduire le plus vite possible une dépense pour gagner en trésorerie. Et lorsque le fisc n’est pas d’accord, cela revient juste à reporter une déduction sur les années suivantes. Autrement dit, le redressement est vite compensé par une déduction ultérieure et le Trésor n’a alors gagné que les intérêts de retard.

21,2 milliards de redressements pour 12,2 milliards d’encaissements

Enfin, le rapport met en toute franchise le doigt sur le défaut essentiel des redressements : Pour 21,2 milliards d’euros de redressements, il y a eu seulement 12,2 milliards d’euros d’encaissement effectif, autrement dit à peine la moitié.

Cette différence béante et constante laisse la porte ouverte à diverses supputations : les contrôleurs n’étant pas ceux qui recouvrent l’impôt, n’ont-ils pas tendance à redresser pour atteindre leurs objectifs, sans se soucier du bien-fondé du redressement ? Combien de redressés à tort ont fini à terre à cause de contrôles excessifs ?

L’administration fiscale est-elle si bien organisée pour laisser filer la moitié de la recette ou se tromper à ce point dans le bien fondé des redressements ? La pression fiscale actuelle serait-elle à la fois financière et psychologique ?…

A la suite d’erreurs à répétition des services fiscaux, l’État a d’ailleurs dû verser récemment à un contribuable 100 000 euros d’indemnités pour préjudice financier et 10 000 euros en réparation du préjudice moral (TA Besançon, 18-12-2015, n° 1400721).

Pour la petite histoire, le ministre parle de résultats de la « lutte contre la fraude fiscale » en y englobant ce qui relève de la simple erreur de bonne foi et alors même qu’un redressement n’équivaut pas forcément à une condamnation. A croire que tout contribuable redressé est présumé coupable…

Olivier Bertaux

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3 réflexions sur « LE CONTROLE FISCAL RAPPORTE DE PLUS EN PLUS A L’ETAT. par Olivier Bertaux »

  1. Bsr,
    Au moins dans cet article, j’apprends une bonne chose: le TA de Béziers semble impartial et non partiaux comme le sont beaucoup de TA s’agenouillant devant le fisc!
    @+

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