LE DROIT DE REPORT

Les rapports de force existent dans toutes les sociétés. Il serait insupportable qu’ils ne puissent pas être contestés, que la partie sous contrainte de l’autre ne puisse pas faire connaître son opinion, n’ait aucun moyen de pression pour lui donner vie.

Et pourtant, au début de l’ère industrielle il en était ainsi.

Le droit de grève non seulement n’existait pas mais en ses lieu et place le délit de coalition sanctionnait ceux qui voulaient se regrouper pour faire valoir leur opinion, équilibrer les forces, aller vers des droits plus équitables.

C’est Napoléon III qui, en 1864, supprima le délit de coalition et instaura le droit de grève.

Aujourd’hui, il ne nous parait pas imaginable que l’autorité patronale, publique ou privée, puisse diriger les masses salariales sans que celles-ci n’aient le droit de s’exprimer et notamment de faire pression sur les décisions qui les concernent au moyen du droit de grève.

Contrairement à ce que certains avancent, le droit de grève n’est pas une contrainte, il est l’élément essentiel de la paix sociale, sans lui les tensions s’exacerberaient jusqu’à la rupture et à la violence.

Par ailleurs, il n’est pas inhumain que celui qui possède le pouvoir coure le risque d’en abuser, c’est pourquoi il est légitime que celui qui le subit puisse expliciter les limites au-delà desquelles il n’accepte plus les ordres du pouvoir. Le contraire serait le fait d’une humanité parfaite, dont nous n’avons pas les clefs.

Cependant, il reste un domaine, même dans notre démocratie avancée, ou la partie dominée est totalement sans recours, à la merci de la partie dominante.

Vous voyez ou je veux en venir évidemment : oui, c’est le fisc, Bercy.

Bercy, qui ne devrait être rien de plus que le collecteur de l’impôt, prétend effectivement n’être que cela.

Cette position lui confèrerait, dit-il, un droit exorbitant pour la collecte, puisqu’il ne ferait qu’exécuter nos propres ordres émanant de nos représentants élus démocratiquement par nous-mêmes.

C’est donc nous, le fameux “peuple”, qui serions les responsables de la fiscalité qui nous tombe dessus. Quelle légitimité aurions-nous à la contester ?

Les contestataires, vus sous cet angle, ne sont que de mauvais joueurs, mauvais payeurs, fraudeurs même.

Oui, mais voilà.

Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Nous votons bien pour des élus en apparence mais pas dans la réalité. En fait, nous votons pour des inconnus, en fonction d’une campagne électorale qui n’est qu’une publicité mensongère qui enverrait droit en prison tout industriel qui utiliserait les mêmes méthodes pour nous coller sa fabrication.

Bien plus, constitutionnellement ces élus n’ont aucun pouvoir sur le budget puisqu’ils ne peuvent voter aucune loi qui diminuerait les recettes de l’Etat.

J’ajouterai qu’ils n’ont ni le temps matériel ni la compétence pour intervenir réellement, efficacement, sur la mise en œuvre du budget de la France.

Le résultat

Bercy est la seule entité habilitée et prétendument compétente pour établir nos comptes publics. Cela personne en réalité ne l’ignore ni ne le conteste.

Mais alors, les pouvoirs exorbitants que réclame Bercy ne sont en aucun cas justifiés, l’absence de contrepouvoir est flagrante et inacceptable.

Cela nous entraine incontestablement vers un carnage programmé, c’est la théorie du bouchon de champagne, il faudra bien que le gaz s’échappe.

Le droit de grève s’impose.

Mais là, c’est retour à la case 1863, la grève de l’impôt est formellement interdite.

On ne voit pas poindre à l’horizon un Napoléon III pour rectifier le tir. Nous devons nous débrouiller par nous-mêmes.

Nous savons tous, au moins ceux qui lisent ce blog, qu’aucune action politique ou judiciaire ne peut s’opposer efficacement à Bercy et à ses calculs fiscaux ravageurs.

Nous devons gagner le droit de grève.

Bien sûr limité à des conditions raisonnables, par exemple exclusivement utilisable en cas de budget déficitaire, ou par une catégorie de population qui se considère comme surimposée donc anormalement exploitée.

Il ne faut pas rêver, ce droit ne sera pas accessible immédiatement et la grève de l’impôt pour ceux qui envisageraient de la faire quand même serait suicidaire.

Restons donc dans l’action plausible, raisonnable, efficace.

Le droit de report.

Cela, dans mon esprit, consisterait à ne pas payer l’impôt à la date voulue.

Il s’agirait de faire savoir à Bercy que tel impôt, payable à telle date, ne serait payé par les “grévistes” qu’un ou plusieurs mois plus tard.

Les motifs de ce report seraient clairement explicités, votés en assemblée générale des contribuables engagés.

Aucune illégalité à s’organiser ainsi.

Evidemment, une contrainte de dix pour cent serait immédiatement mise en œuvre par Bercy. Mais cette contrainte pourrait être contestée devant les tribunaux, permettant ainsi de porter devant eux les motifs mis en avant pour le report.

Le risque encouru est donc de 10% des sommes en jeu.

En ce qui me concerne je trouve que le prix à payer est raisonnable par rapport à la contestation, enfin réellement ouverte, que cette méthode apporterait.

Nous devrions objectivement pouvoir organiser cela à l’échelle du pays et enfin pouvoir exister et valider ainsi nos espoirs d’une fiscalité attentive aux contribuables, à leur santé économique et humaine.

Bien cordialement. H. Dumas

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A propos Henri Dumas

Je suis né le 2 Août 1944. Autant dire que je ne suis pas un gamin, je ne suis porteur d'aucun conseil, d'aucune directive, votre vie vous appartient je ne me risquerai pas à en franchir le seuil. Par contre, à ceux qui pensent que l'expérience des ainés, donc leur vision de la vie et de son déroulement, peut être un apport, je garantis que ce qu'ils peuvent lire de ma plume est sincère, désintéressé, et porté par une expérience multiple à tous les niveaux de notre société. Amicalement à vous. H. Dumas

13 réflexions sur « LE DROIT DE REPORT »

  1. Cher Henri, vous êtes un doux rêveur !
    vous pensez bien que cette hypothèse a été prévue par les sbires de l’EMPIRE DU MAL.
    J’en ai parlé dans un de mes articles (un système bien verrouillé)
    nous n’avons qu’un seul choix : payer !
    Tout le système a été pensé et organisé pour éviter de genre de situation !
    En plus, personne n’a envie payer 10% de pénalités sur son impôt
    Si vous voulez engager la lutte, il vaut mieux bloquer les routes ou casser (voir les paysans ou les pècheurs) car les politiciens fonctionnaires ont peur des mouvements sociaux et du désordre !

    1. Dominique,
      Je ne suis pas un doux réveur. Mais je ne suis pas non plus un casseur.
      Je ne me sens pas capable de réunir 1.000 casseurs pour être crédible et marquer les esprits. Je ne connais pas de casseurs harcelés par le fisc.
      Les harcelés que je connais sont plutot des travailleurs intellectuels.
      Chez ceux là je suis sûr que l’on peut en trouver une ou deux centaines prêts à investir 10% de leur facture fiscale pour exposer publiquement le scandale fiscal et lutter ouvertement contre Bercy.
      Bien sûr je peux complètement me tromper, il est possible qu’aucune action collective ne puisse ètre mise en œuvre tant que la misère totale engendrée par la folie fiscale ne se sera pas installée au point que les casseurs se mettent en route.
      Mais alors ce sera pour eux, pas pour les français lourdement fiscalisés
      Amicalement â vous.

      1. Votre idée, à laquelle j’ai aussi pensé, pose des problèmes complexes :

        – En cette époque de matraquage fiscal je ne suis pas sûr que les gens aient envie de dépenser 10% de leur impot pour une cause car soit l’impot est faible et l’Empire du Mal ne le ressentira pas, soit l’impot payé est important et là ça devient couteux (pour le contribuable),
        – chacun regarde son porte monnaie et il n’y a pas de solidarité à ce propos puisque la dette fiscale est personnelle,
        – En cas de grève de l’impot, l’Empire du Mal va délivrer des mises en demeure en série (ils sont équipés) et après ils agiront par ATD. Le délai de grace risque d’être court …
        – Comme je vous l’ai dit : ils y ont déjà pensé et c’est pour celà qu’ils mettent en place un système fiscal où tout est prélevé à la source (CSG, IRPP …) comme ça personne ne peut s’opposer à l’emprise fiscale.

        Evidemment, comme vous le dites fort bien, il n’y a aucun consentement à l’impot qui est décidé par des gens inconnus dans un ministère complètement opaque.

        J’ai une amie qui vient de découvrir les bienfaits des réformes Macron !

        Retraitée, percevant une retraite “indécente” de 1.390 € par mois elle vient de découvrir qu’avec la “nouvelle CSG” elle se faisait amputer de 33 € par mois soit 396 € par an. Et comme elle ne paie pas de taxe d’habitation … c’est tout bénéfice pour elle !

        Quand on ajoute la progression des taxes sur le carburant et qu’ on vous dit que la fiscalité n’augmente pas …

        Bien à vous.

  2. C’est vrai que les révolutions peuvent tourner mal, tu as raison Henri. Mais pas toutes !

    En 1689 l’Angleterre a donné de bons résultats économiques. En 1785 les Etats Unis aussi !

    De là à dire des “révolutions qu’il n’y a aucun exemple réussi”, il faut modérer.

    1789 ne tourne mal qu’à partir de Robespierre. Mais, de mai 1789 à la Législative, la Constituante a fait un travail remarquable sur la base des revendications exprimées dans les cahiers de doléances.

    J’en ai lu une douzaine de ces cahiers directement (2) ou par auteurs interposés (10). C’est émouvant de voir les similitudes avec notre situation présente.

    1. La première est une invasion à motif religieux, la deuxième une guerre d’indépendance, pas vraiment des révolutions.
      Mais acceptons qu’elles en soient et disons que ce sont les exceptions qui confirment la règle.
      Quant aux idées portées pendant la révolution françaises, aux valeurs essentielles, elles auraient évidemment abouti beaucoup plus vite sans la violence, aussi inutile que stupide, de la révolution.

      1. Sur la Révolution de 1689 en Angleterre.

        Révolution anglaise ou guerre de religion avec invasion hollandaise ?

        …. La plupart des historiens penchent désormais pour décrire la Glorieuse Révolution comme une invasion néerlandaise de la Grande-Bretagne dans des circonstances de tensions internationales élevées.

        En effet, sans le débarquement de troupes d’élites néerlandaises, le renversement n’aurait probablement jamais eu lieu.

        Cette invasion, de connivence avec certains protestants orthodoxes anglais, permit ainsi l’établissement d’une monarchie constitutionnelle.

        Une monarchie constitutionnelle, c’est une révolution Henri, pas une guerre de religion !

        Pour Jonathan Israël, entre autres, l’aspect de l’invasion extérieure aurait été dissimulé par les Anglais pour des raisons nationalistes, certes, mais surtout par l’efficacité de la propagande néerlandaise qui, à l’époque, voulait s’assurer l’appui de grands personnages anglais et, à ce titre, mettait l’accent sur la légitimité religieuse et dynastique de
        l’intervention de Marie et Guillaume contre le souverain régnant anglais.
        Guerre de religion oui mais avec des conséquences économiques et sociales

        La Glorieuse Révolution assure une certaine stabilité religieuse en Angleterre…. Avec des conséquences économiques.

        Le nouveau régime anglais, partiellement dirigé par une élite hollandaise, crée en 1694 la première banque nationale (la Banque d’Angleterre), qui prête à l’État les fonds permettant d’aménager le réseau des rivières anglaises et de construire une importante flotte, la Royal Navy.

        Cette dernière devient maîtresse des océans en une dizaine d’années, mais peine à réduire la piraterie dans les Antilles, à partir de 1710, car les pirates recrutent des mutins de la Navy.

        La nouvelle banque centrale est très vite à l’origine du développement de banques commerciales, qui irriguent financièrement le pays.

        La Glorieuse Révolution réédite à Londres ce qui s’est passé 80 ans plus tôt à Amsterdam avec une forte croissance urbaine, financière, intellectuelle et maritime, malgré l’opposition violente de la France de Louis XIV.

        C’est l’époque de la création des Lloyd’s of London et des cercles boursiers qui se réunissent à la Jonathan’s Coffee-House, bientôt transformée en bourse des valeurs.

        On peut hésiter sur la nature révolutionnaire ou religieuse mais on ne peut pas hésiter sur les conséquences économiques !

  3. Bonsoir,
    On pourrait demander aussi a faire voter une loi comme aux USA : Taxe fonciere , impot sur le revenu ect…
    Si on paye 3 mois avant la date d’echeance on a 10% de reduction..
    2 mois d’avance ………………………………………………….on a 5% de reduction
    1 mois d’avance …………………………………………………….on a 3% de reduction.

  4. Il y a ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas, cette phrase de Bastiat pourrait se réécrire de la façon suivante : ce que l’on veut voir et ce que l’on ne veut pas…..
    Ok pour les révolutions dont il n’y a aucun exemple réussi, mais dont les faibles rêvent tous. Jusqu’au jour où des bandits passent â l’action et en font une qui emporte les faibles dans la tombe.
    Alors que le droit de grève a donné au prolétariat bien plus que toutes les révolutions faites en son nom.
    Il s’agit juste d’un élément de réflexion à rajouter â vos remarques dont j’apprécie la sincérité et la spontanéité.

  5. Cher HENRI, ainsi tu continues de croire que l’impôt actuel, fruit des errements cumulés de nos prédécesseurs, doit être payé, certes avec bien des protestations et des aménagements, en usant par exemple d’une nouvelle proposition celle d’un droit de grève que nous ne pourrons jamais obtenir de nos gouvernants.

    Ne crois-tu pas que nous ne pourrons jamais y parvenir et que tu nous diriges involontairement vers la soumission et l’abattoir ?

    N’est-il pas plus pertinent de tenter de provoquer une grande révolution fiscale quelque peu semblable à celle de la Constituante de 1789 faisant suite par exemple à des cahiers de doléances élisant des délégués qui iront à Versailles définir la fiscalité comme une science au lieu de la maintenir sous forme d’un ramassis de taxes sans esprit de suite, en créant avec ces délégués une véritable théorie de l’impôt si possible unique et simple qui fasse faire un bon à l’économie de notre pays au lieu de la garrotter et de nous étouffer, quand ce n’est pas de nous assassiner ?

    Sans rancune

  6. Ah oui, des droits..
    On en a..
    Mais pour le pognon, pas de démocratie qui tienne.

    Parce que le pognon, c’est tout de même un peu plus sérieux que les belles idées !

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