Contrôle fiscal : faire respecter la loi ou travailler à la commission ? Par Bernard Zimmern.

C’est en 1999 qu’après un an d’enquêtes, nous publiions à l’iFRAP notre 30e dossier titré « la DGI au service d’elle-même ».
Sidérés par quelques affaires fiscales incroyables, nous avions enquêté auprès de conseils fiscaux, issus eux-mêmes du contrôle fiscal, et même auprès d’un ancien directeur général des impôts.

Et le tableau était clair : depuis la mise en place du dispositif par Valéry Giscard d’Estaing, alors ministre des Finances, vers 1963, le contrôle fiscal n’est plus là pour faire respecter la loi mais pour faire rentrer des redressements, en mettant, de fait, le service de contrôle fiscal à la commission.

À la commission veut dire que les contrôleurs voient leur promotion dépendre en grande partie du montant de leurs redressements ; et les directeurs départementaux des impôts ou directeurs adjoints, voient leurs rémunérations doublées s’ils réalisent les quotas de prélèvements prévus par la DGI.

Le système est d’autant plus vicieux que le contrôle fiscal n’est pas responsable de la rentrée dans les caisses de l’État des redressements, car cette responsabilité était donnée à une autre direction du ministère des finances : la Comptabilité Publique.

Il y a bien eu fusion à grands frais, au sommet, de la direction des impôts et de la comptabilité publique sous la présidence de Nicolas Sarkozy, mais il semblerait que cette fusion n’ait pas eu lieu à la base, au niveau des contrôleurs.

Le résultat est illustré par un cas célèbre, celui de Monsieur TRIPOT qui a fait l’objet de l’arrêt du Conseil d’État du 16 juin 1999.

Monsieur Tripot avait une entreprise qui s’occupait de la restauration du Lido, des Folies Bergères etc. et Il a fait l’objet d’un contrôle fiscal le redressant de plusieurs millions. Il a pu rapidement prouver que ce redressement était sans fondement et l’a fait annuler ; mais, entre-temps, ses sociétés avaient été vendues par la Comptabilité Publique. Heureusement, il avait eu des propositions d’achat récentes lui permettant de donner une valeur à ses entreprises, et après environ 10 ans de procédure judiciaire, le Conseil d’État lui avait donné raison en lui accordant, ce qui était une première, une indemnité de 60 millions de francs pour l’indemniser de la faute lourde de l’administration.

Mais cette indemnité n’a pas empêché Monsieur Tripot de finir à l’hôpital psychiatrique car le stress de ces procès casse le pot de terre qu’est un individu contre le pot de fer qu’est l’Administration.
Nous avons été les témoins malheureux de beaucoup d’autres histoires similaires et nous les avons même réunies dans un petit livre publié chez L’harmattan [1] après de multiples colloques menés à l’Assemblée nationale avec des députés comme François Goulard, François d’Aubert, sans aucun résultat.

Alors que dans les pays dynamiques le contrôle fiscal est une aide apportée par l’État aux contribuables pour les aider à remplir leurs devoirs, il est resté en France le moyen de faire croire que le secteur privé triche et que l’administration, grâce à son contrôle fiscal, rééquilibre en partie le budget de l’État.

Les études que nous avions menées montrent en effet qu’il existe une fraude fiscale mais que celle-ci ne dépasse pas 15 à 20% du montant des redressements effectués, la plus importante étant d’ailleurs la TVA carrousel qui est très mal contrôlée. Pour les 80 autres pour cent, il s’agit d’erreurs d’autant plus involontaires qu’avec la complexité du code, des tests ont montré que 10 experts fiscaux donnaient 10 résultats différents pour une déclaration fiscale pourtant simple.

Et une part non négligeable des redressements n’ont aucune base juridique et sont simplement là pour remplir des quotas.

On se rend compte de leur importance en regardant dans le bleu budgétaire les montants réellement rentrés dans les caisses de l’État, très inférieurs à la moitié des redressements émis.

L’une des plus grandes monstruosités juridiques du code fiscal français est, qu’en théorie, la charge de la preuve incombe à l’administration ; mais par un rejet de la comptabilité, qu’incroyablement le contrôleur peut décider de lui-même, la charge de la preuve incombe alors aux contribuables qui doivent par exemple démontrer que dans les kilos de pommes de terre qu’ils ont achetés pour vendre des frites, tout n’est pas vendable.

Il y a longtemps que la décision de ce rejet de comptabilité aurait dû être confiée au juge.

On peut espérer qu’un gouvernement saura un jour transformer le contrôle fiscal d’une administration qui travaille à la commission en une administration au service du droit et des contribuables.

La réforme la plus simple sera de mettre en œuvre, jusqu’à la base, la fusion de la Direction des Impôts et de celle de la Comptabilité Publique, déjà réalisée au sommet, en rendant ceux qui émettent des redressements responsables de leur collecte.

Ce système absurde fait disparaître chaque année quelques milliers d’entreprises viables et quelques dizaines de milliers d’emplois.

Et les premiers à en souffrir ne sont pas seulement les contribuables mais les contrôleurs et inspecteurs du fisc, amenés à travailler pour un système imbécile.

http://www.emploi-2017.org/controle-fiscal-faire-respecter-la-loi-ou-travailler-a-la-commission,a0522.html

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