L’abus de droit fiscal, un nouveau coup porté aux contribuables par Par Arlette Darmon et Frederic Douet

LE CERCLE – L’opacité savamment entretenue de cette procédure est une pièce de plus à verser au long dossier de l’insécurité fiscale vécue par les particuliers et les entreprises.

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A compter de 2021 pour des actes passés à partir de 2020,  l’article L. 64-A du Livre des procédures fiscales permettra aux services fiscaux de mettre en oeuvre la procédure d’abus de droit pour fraude à la loi lorsqu’ils estimeront que ces actes étaient motivés par un objectif « principalement fiscal ». Le 3 juillet dernier, l’administration fiscale a modifié le Bulletin officiel des Finances publiques-Impôts en faisant savoir que, selon elle, cette procédure concerne tous les impôts, à l’exception de l’impôt sur les sociétés (BOI-IS-BASE-70-20190703, § 90). Une telle exclusion ne manque pas de surprendre dans la mesure où elle ne résulte ni de l’article L. 64-A du Livre des procédures fiscales ni des travaux parlementaires. Deux séries d’enseignements peuvent en être tirés.

D’une part, il faut en déduire que l’administration fiscale entend limiter le champ d’application de l’abus de droit à but principalement fiscal essentiellement à l’impôt sur le revenu, à l’impôt sur la fortune immobilière et aux droits de mutation, notamment aux droits de donation et de succession. Cela revient à cibler cette forme d’abus de droit sur les particuliers.

D’autre part, est-ce à dire que les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés n’ont rien à craindre ? Non, car dans le même temps le législateur a institué  l’article 205 A du Code général des impôts qui prévoit que, « pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés, il n’est pas tenu compte d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, ne sont pas authentiques compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents », posant ainsi la question de son articulation avec l’article L. 64-A du Livre des procédures fiscales.

Tout cela donne la désagréable impression que les textes fiscaux sont comme le langage des fleurs, il serait possible de leur faire dire une chose et son contraire

Ce dernier prévoit une garantie en faveur des contribuables, en l’occurrence la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal. Cette garantie n’existe pas dans le cadre de l’article 205 A du Code général des impôts. Au final, l’interprétation du 3 juillet permet aux services fiscaux de reprocher aux redevables de l’impôt sur les sociétés d’avoir poursuivi un but principalement fiscal tout en leur permettant de s’affranchir des garanties procédurales qui entourent l’abus de droit fiscal. Si tel était le cas, la privation de cette garantie poserait la question de la constitutionnalité de l’article 205 A du Code général des impôts, tout comme celle de l’article L. 64-A du Livre des procédures fiscales qui reste entière.

Tout cela donne la désagréable impression que les textes fiscaux sont comme le langage des fleurs, il serait possible de leur faire dire une chose et son contraire. L’Etat a beaucoup à y perdre. La recherche d’un objectif principalement fiscal est avant tout rendue possible par la piètre qualité de nombreux articles du Code général des impôts. Cette insécurité fiscale ne fait que saper chaque jour davantage le consentement à l’impôt qui est l’un des principes sur lequel repose notre pacte social.

SUR LE WEB:  https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/labus-de-droit-fiscal-un-nouveau-coup-porte-aux-contribuables-1132804

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4 réflexions sur « L’abus de droit fiscal, un nouveau coup porté aux contribuables par Par Arlette Darmon et Frederic Douet »

  1. Henri et moi avons déjà évoqué cette question à plusieurs reprises …
    Il s’agit clairement d’une aggravation de l’arbitraire fiscal …
    Seule conclusion possible : Pour ceux qui le peuvent …Courage … Fuyez le plus vite possible !

  2. Cela revient il à dire, que si vous faites un don aux oeuvre, la déductibilité entrainant un crédit d’impôts , pourrait être remis en cause , car purement « fiscal »? Dans les travaux à domicile, qui entraine également un crédit d’impôt, peuvent ils le remettre en cause, puisque si le crédit d’impôt n’existait pas, les travaux aurait il été effectué? Aurions nous embaucher ce personnel de maison si il y avait pas cette »niche fiscal »? Et be les gilets jaunes n’ont pas fini de défiler, et que dire des bonus sur les voiture propre, si on a le choix avec un véhicule sale, ne serai-ce pas la aussi une optimisation uniquement fiscal? On va rire, avec nos contrôleurs, lol

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