Lettre aux Français : Débattons de tout… mais ne changeons rien ! par Nathalie MP

Et dire que tout a commencé parce qu’un Premier ministre « plus technocrate que moi tu meurs » a décidé soudain avec obstination et sans aucune raison routière valable de faire passer la limitation de vitesse de 90 km/h à 80 km/h sur les routes secondaires !

Et dire que l’immense impopularité de cette mesure est arrivée à le convaincre qu’il agissait avec un courage politique jamais vu dans ce pays et qu’il était sur la bonne voie de la réforme profonde dont la France avait besoin !

Et dire que ce même Premier ministre s’est arc-bouté férocement sur le maintien de la hausse des taxes sur les carburants, y compris contre l’avis du Président qui avait prévu de revenir dessus dès son discours du 27 novembre 2018 sur la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Et dire que ces hausses ont finalement été annulées une dizaine de jours plus tard, non sans nous offrir en prime un joli petit cafouillage entre Matignon et l’Elysée qui semble devenir la marque de ce gouvernement déboussolé !

Et dire que le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner concède maintenant que « si le 80 km/h ne sert à rien, nous pourrons revenir au 90 km/h » alors que des tests non concluants avaient déjà eu lieu au préalable !

Et dire que le gouvernement, après quelques petits doutes vite balayés, est en passe de renouveler avec ardeur et satisfaction sa stupide bévue sur la limitation de vitesse avec le prélèvement à la source, mesure prétendument moderne mais parfaitement inutile pour relancer l’économie et complètement aberrante dans le cadre actuel de notre fiscalité archi-complexe !

Et dire que pour Gérald Darmanin, grand promoteur de cette affaire, non seulement tout va très bien, non seulement il n’y a aucun bug à l’horizon, mais le prélèvement à la source est aussi « une avancée sociale très importante » ! Et là, attention, perle digne du Meilleur des Mondes (vidéo ci-dessous, 01′ 26″) :

Le prélèvement à la source est « une faveur positive de l’administration, quelque chose de plus simple, plus clair, plus net, que les Français attendaient depuis longtemps » !

Soyez heureux, chers Français, ou plutôt chers contribuables, l’administration censée être à votre service consent à vous faire quelques petites faveurs ! Comme se servir directement dans vos comptes en banque, histoire d’accélérer le pompage du « pognon », plutôt que commencer par simplifier la fiscalité elle-même et réfléchir à la pertinence de notre modèle social.

Et dire qu’Emmanuel Macron, véritable apprenti sorcier pour nous faire « penser printemps » à partir d’une dose d’été et d’une dose d’hiver, n’hésite pas à souffler le chaud et le froid  sur une opinion publique de plus en plus à cran en fustigeant d’abord (non sans quelques bonnes raisons) le « pognon de dingue » englouti sans grand résultat dans ce fameux modèle social puis, se croyant désopilant de finesse et de drôlerie, en clamant partout que l’Urssaf est notre amie !

Et dire qu’il vient de récidiver à l’occasion de la galette de l’Elysée en louant le « sens de l’effort » des boulangers et en déplorant qu’il ne soit pas plus partagé par les Français, au moment précis où un boulanger est poursuivi pour avoir ouvert sa boulangerie 7 jours sur 7 !

À ce propos, il faut savoir que c’est la fédération de la boulangerie soutenue par ses membres qui attaque l’artisan pour concurrence déloyale en lui opposant un arrêté préfectoral de 1972 qui oblige à fermer une journée par semaine. On voit que rien n’est simple.

Mais le Président, tout à sa volonté de printaniser la France, ne devrait-il pas s’attacher à dépoussiérer les textes en vigueur de tous ces arrêtés fort peu startupeurs au lieu de lancer des réformes soi-disant « courageuses » qui conjuguent spectaculairement impopularité et inutilité au regard de la transformation nécessaire de la France dans le sens d’une amélioration de l’emploi et du pouvoir d’achat ?

Et dire qu’Emmanuel Macron n’avait pas plus tôt proposé un grand débat national pour tenter de répondre à la demande d’écoute et d’expression des Gilets jaunes, qu’on apprenait l’existence d’une Commission nationale du débat public fort discrète (mais qui existe depuis 1995) et qu’on nous informait que sa présidente depuis 2018, Chantal Jouanno, bénéficiait du confortable salaire de 14 700 € bruts mensuels pour un travail somme toute assez plan-plan. Un salaire de ministre, en quelque sorte.

Autrement dit, en espérant faire retomber la fièvre des Gilets jaunes et la défiance des nombreux Français qui les soutiennentle gouvernement leur met sous le nez exactement ce contre quoi beaucoup d’entre eux vitupèrent à juste titre depuis le début : notre République est gangrenée de comités « Théodule » en veux-tu en voilà remplis de grasses sinécures en veux-tu en voilà.

Quant aux élus, rien ne les arrête, pas même la situation sociale extrêmement tendue que nous vivons depuis ces derniers mois. Quand ils ne sont pas pris la main dans le sacen train de se servir indûment dans le fromage républicain, ils sont très actifs pour renforcer leurs privilègesconserver leurs niches fiscales ou trouver les astuces juridiques propres à alourdir la pression fiscale déjà exorbitante qui pèse sur « les autres ».

Que de bourdes ! Et que de satisfaction dans la bourde ! Les élites qui nous gouvernent « déconnent » sans interruption et sans remord.

De quoi vous refroidir de participer à ce débat. Du reste, selon un sondage Opinion Way pour Le Point, 52 % des Français ne comptent pas s’y impliquer et 67 % pensent qu’il ne résoudra pas la crise des Gilets jaunes.

En général de tels débats sur l’avenir d’un pays sont tranchés dans une élection qui fixe le programme qui a remporté le plus de suffrages – pour autant qu’il soit appliqué en l’état, naturellement. Mais ici, rien de tel.

On ne peut s’empêcher de se demander comment le gouvernement compte s’y prendre pour « tirer toutes les conclusions » (dixit Macron) de ce qui sera dit dans les cahiers de doléances et au cours des débats. Une variété d’opinions et d’idées va s’exprimer, « nous ne serons pas d’accord sur tout, c’est normal, c’est la démocratie » (toujours dixit Macron).

Mais il n’est que de lire le début de sa Lettre aux Français pour comprendre qu’en dépit des multiples questions qu’elle suggère pour animer le débat national, les conclusions seront fermement restreintes à une « certaine idée de la France » qui fait que depuis très longtemps, il est entendu que notre modèle social est intouchable car moralement supérieur à tout ce qui existe par ailleurs :

« La France n’est pas un pays comme les autres. Le sens des injustices y est plus vif qu’ailleurs. L’exigence d’entraide et de solidarité plus forte. »

« Chez nous », poursuit-il, la santé, l’éducation, la justice, etc. sont accessibles à tous, la retraite est payée par ceux qui travaillent et les accidents de la vie comme le chômage peuvent être surmontés grâce à la solidarité de tous.

Notons que ce faisant, Emmanuel Macron parle exactement comme les auteurs de la récente note du think tank Terra Nova sur l’héritage. Pour ces derniers, il faut engager une réflexion sur la façon de rendre supportable une fiscalité plus élevée que celle de nos voisins car c’est :

« la contrepartie indispensable du niveau plus élevé de services collectifs et de l’exigence plus forte d’égalité qui caractérisent la société française. » (note, page 12)

.
Parce que chez les autres, chez les Allemands, les Néerlandais ou les Britanniques, les accès à l’éducation, à la justice, à la santé… seraient limités ? Parce que chez eux, le chômage ne pourrait être surmonté ?

A regarder les statistiques sur les dépenses publiques, les impôts et le chômage d’une part et le degré de paix sociale d’autre part, il semblerait pourtant que la révolte des Gilets jaunes, c’est « chez nous » qu’elle a lieu, pas chez les autres ; et il semblerait également que nos voisins aient une nette préférence pour des citoyens protégés par leur travail plutôt que des citoyens au chômage indemnisé.

Il semblerait bien, et c’est assez dérangeant, que sans avoir ce vertueux modèle social que le monde entier nous envie, ces pays réussissent en tous points mieux que nous sans charger leurs citoyens du poids d’une dette accablante dès la naissance et de prélèvements obligatoires les plus élevés du monde développé tout au long de leur vie.

Sur tous ces sujets, l’exemple des Pays-Bas dont je vous ai parlé récemment (mais ce n’est pas le seul) apporte un démenti aussi formel que terrible aux prémisses de la lettre présidentielle.

Il n’empêche. Requinqué à l’idée que le grand débat va permettre de dégager des recettes fiscales nouvelles du côté des riches et des entreprises au nom de la « justice sociale » voulue par les Français, le ministre de l’économie Bruno Le Maire continue à balader son sourire niais de plateau télé en matinale radio en affirmant partout la partialité collectiviste du gouvernement.

Dernière idée en date : après la possible ré-instauration de la taxe d’habitation pour les 20 % de foyers les plus aisés (par exemple, un célibataire gagnant plus de 2500 € par mois, vous parlez d’un « riche » !) et après avoir acté dans la loi Pacte la publication des rémunérations, il souhaite obtenir une stricte limitation des écarts de salaire au sein d’une même entreprise.

Dans ces conditions, il y a fort à parier que le grand débat national débouchera sur une véritable fiesta socialiste. Le gouvernement a d’ailleurs déjà préparé le terrain en ouvrant largement les vannes du déficit et de la dette en abandonnant certains impôts sans réduction concomitante des dépenses publiques.

Cependant, alors que chacun est sollicité pour faire remonter ses doléances et ses idées sur l’avenir du pays, il serait dommage que les libéraux soient absents du débat. C’est pourquoi je vous suggère de ne pas laisser le monopole des propositions aux étatistes en participant massivement au Cahier des Doléances que j’ai ouvert dans ce blog !

 

sur le web:  https://leblogdenathaliemp.com/2019/01/16/lettre-aux-francais-debattons-de-tout-mais-ne-changeons-rien/#more-48560

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Une réflexion sur « Lettre aux Français : Débattons de tout… mais ne changeons rien ! par Nathalie MP »

  1. En 1789 Louis XVI avait fait appel à un banquier de Genève, Necker qui, par l’emprunt aggrava la dette.

    Là, c’est encore un banquier, MACRON, qui va se trouver en fin de Régime et devra s’exiler en Suisse.

    Un an et demi après son apparition, il apparaît que la nouvelle politique de MACRON ressemble furieusement à l’ancienne en pire, et le pire est les français s’en sont rendus compte !

    La demande d’instauration du RIC est clairement une réaction à cette dégradation démocratique ! Mais pas que !

    E Macron, candidat de la nomenklatura des banquiers et des élites bobos, avec son ascension météorique sans véritable programme, a été flatté dans son ego narcissique d’enfant roi tout puissant.

    Ce point est clairement perçu dans son style personnel à la fois moqueur, méprisant, hautain, totalement dénué d’empathie, sans capacité d’écoute et finalement improductif.

    Ce faisant, il a complètement oublié qu’il ne représente qu’une minorité d’électeurs (23%) et qu’il doit faire face à un rejet épidermique de la part d’une majorité de la population (70 %) et qu’il se trouve face à un mouvement contestataire qui dure et qu’il n’arrive ni à contrôler ni à juguler. Nous en sommes à l’acte 12.

    L’image de « président des riches » lui colle à la peau. Il est surtout le représentant d’une élite parisienne qui s’estime incontournable et seule apte à diriger le pays et à recevoir les gros salaires qui vont avec leurs fonctions !

    Comme les fermiers généraux le croyaient en 1789. Même le chimiste LAVOISIER, ne pensait pas ne pas pouvoir finir ses expériences.

    Alors qu’il se percevait comme le leader de l’Europe, E Macron est, désormais, englué dans une situation dont il s’arrive plus à se sortir et les réformes (chômage et retraites) qu’il prétendait entreprendre n’ont désormais aucune chance d’aboutir.

    D’ailleurs, histoire d’enfoncer le clou dans le cercueil, aux yeux des allemands, E Macron n’apparaît « plus comme un partenaire pour sauver l’Europe et la zone euro mais comme un facteur de risque » !

    La « révolution Macron », avant de s’écrouler tout à fait va s’enfoncer dans les sables mouvants de la politique à la Chirac ; avec un président qui ne va plus faire que gérer le court terme et qui va éviter de prendre des décisions qui fâchent pour ne pas se retrouver en difficulté aggravée.

    Les gilets jaunes ne sont pas plus que les jacqueries de 1789 que Turgot avait bien connus. Chacun d’eux de ces GJ sait bien qu’une réforme fiscale majeure peut, seule, aider à résoudre la crise.

    Il faudra bien payer les dépenses nouvelles avec une taxe. Mais laquelle ?

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