Stage Remise en selle payé par nos impôts : dites-moi que je rêve ! par Nathalie MP

 

 

« Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise », tel est l’un des grands adages d’une vie politique réussie. Pour les esprits étatistes, rien ne vaut ces moments de choc et d’angoisse où les repères habituels des citoyens sont chamboulés pour renforcer l’idée qu’il est naturel voire essentiel que l’État s’occupe de tout et étende son domaine à des secteurs, petits ou grands, qui échappaient encore à son emprise.

Au début de l’année, le cinquième anniversaire de la fusillade islamiste dans les locaux du magazine satirique Charlie Hebdo (7 janvier 2015) fournissait ainsi au ministre de la Culture le prétexte idéal pour lancer la création d’une « Maison du dessin de presse et du dessin satirique » afin de « protéger » ces derniers de toutes les censures qui les menacent. On appréciera la logique qui consiste à mettre sous cloche et sous subventions étatiques un secteur dont l’irrévérence qu’on en attend n’a de sens que s’il est parfaitement libre de toute attache idéologique…

La pandémie de Covid-19 et la profonde crise économique que le confinement dressé contre elle a mécaniquement provoqué ne font pas exception à la règle, bien au contraire.

Outre qu’il semble maintenant entendu que « le monde d’après » sera celui de l’interventionnisme étatique couplé à une dette abyssale selon des théories politiques et monétaires qui n’ont rien de nouveau mais qui triomphent aujourd’hui, on se rappellera par exemple qu’avant même le début du confinement, le député de la France insoumise François Ruffin s’extasiait sans retenue sur le fait que la désorientation momentanée des esprits devant la crise ouvrait une formidable fenêtre pour faire passer les idées pratiquement soviétiques de son parti :

« Cette crise est aussi une fenêtre pour nous : réquisition, plafonnement des prix, etc. Dans de tels moments, les esprits sont comme une pâte un peu molle, où l’on peut faire passer des idées neuves. »

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Le plan vélo concocté à toute vitesse par la ministre de la Transition écologique et solidaire Elisabeth Borne s’inscrit tout à fait dans ces schémas. Ces jours-ci, on lisait en effet dans Paris Match la chose suivante :

« ‘Ça fait longtemps que je me bats pour changer le regard sur le vélo (…). En quelques semaines, cette crise a fait gagner des années de politique vélo !’ se réjouit la ministre. »

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La ministre est ravie : le grand projet vélo qui lui tient à cœur depuis si longtemps va enfin pouvoir s’imposer à tous grâce aux délicates problématiques de distanciation sociale inhérentes au déconfinement en cours. Que le Covid-19 en soit remercié !

Il est vrai que les transports en commun censés ringardiser la voiture particulière dans une perspective de protection de la planète s’avèrent assez mal adaptés dans la nouvelle perspective de protection sanitaire. Aussi, plutôt que de voir s’installer un calamiteux retour aux véhicules thermiques, Mme Borne a aussitôt lancé un plan vélo dont le « succès si fulgurant » (pour le dire comme Paris Match) l’oblige maintenant à en tripler le budget.

Il n’est certes question que de 60 millions d’euros d’argent public, une paille par rapport aux 450 milliards d’euros que Bruno Le Maire se vantait récemment d’avoir mis sur la table pour « sauver » notre économie. Et on parle du vélo, objet familier et éminemment sympathique qu’aucune personne de bonne volonté ne saurait critiquer sans se ridiculiser.

Mais la question n’est pas celle du vélo en lui-même. Ses nombreux avantages dans telle ou telle circonstance de déplacement liée au loisir ou au travail sont connus et appréciés, et personne ne songe à les remettre en cause – si ce n’est que le vélo a le chic pour attirer les voleurs, et là, on aimerait beaucoup que la composante régalienne de l’État se décarcasse.

La question est celle de l’appropriation d’une activité humaine de plus par la puissance étatique avec tout ce que cela entraîne d’effets pervers en matière de comptes publics, de bureaucratie, de clientélisme et de perturbation d’un marché qui marchait très bien tout seul.

Sans compter l’invraisemblable infantilisation dans laquelle l’État plonge une fois de plus les citoyens. Car figurez-vous qu’en plus d’une subvention de 50 € pour faire réparer son vélo et en plus d’aides au financement de places de stationnement temporaire vélo pour les collectivités locales, le plan de Mme Borne prévoit aussi des séances « gratuites » de « remise en selle » auprès de moniteurs ou de vélo-écoles agréés.

Comme l’explique le site Coup de Pouce Vélo qui centralise les trois dispositions principales du plan (page d’accueil ci-dessus) :

« Vous n’avez pas utilisé votre vélo depuis longtemps ou vous n’êtes pas à l’aise ? (…) L’Etat propose de vous faire bénéficier d’une séance de ‘remise en selle’ dispensée par une monitrice ou un moniteur référencé.e. Le programme de cette séance s’adapte à vos besoins : reprise en main du vélo, circulation en ville, choix d’un itinéraire adapté, entretien du vélo… »

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On tombe à la renverse.

La société du « care » qui se développe de plus en plus sur le terreau de notre État-providence jusqu’à le transformer en un État-nounou qui prend soin de nous comme d’un bébé de la naissance à la mort va finir par nous apprendre à mettre un pied devant l’autre via des formateurs diplômés par le gouvernement !

Qu’y a-t-il dans le programme ci-dessus qu’on ne soit capable de faire par soi-même, en famille ou entre amis ? Pour des parents, le jour où l’enfant fait du vélo sans assistance parentale rapprochée ni petites roues est presque aussi beau et aussi naturel que le jour où il s’est mis à marcher ! C’est dire si la pratique du vélo est ancrée en nous depuis notre plus jeune âge, même si nos circonstances de vie (en ville ou à la campagne, en famille avec enfants ou en célibataire, en étudiant, etc.) en font un mode de transport plus ou moins utilisé par suite.

Nul besoin d’être pris par la main par l’État qui se constitue surtout par ce biais tout un réseau supplémentaire de connivences dans le domaine de la formation.

Mais, m’objecte-t-on, toutes les familles n’ont pas les moyens d’éduquer leurs enfants au vélo. Un argument qui me semble peu conforme à la réalité. Les écoles maternelles favorisent cette motricité pour tous les enfants ; quant aux vélos eux-mêmes, on en trouve pour tous les âges et pour quelques petites dizaines d’euros dans toutes les bonnes braderies de France et de Navarre. (Les braderies constituent du reste un formidable lieu de redistribution volontaire et choisie, mais c’est un autre sujet.)

Il n’en demeure pas moins que le plan vélo, ou du moins sa subvention de 50 € offerte pour une réparation, a effectivement connu un vrai engouement du public dès son lancement début mai. D’après la ministre, le « coup de pouce réparation » a déjà été sollicité pour plus de 62 400 cycles et le rythme serait monté à 5 000 par jour depuis le 25 mai. D’où la décision de tripler le budget face à la « demande »… et face à l’inquiétude des réparateurs qui commençaient à se demander s’ils seraient indemnisés.

Mais s’agit-il réellement d’un succès fulgurant ou d’un classique effet d’aubaine ? La question se pose car la période printanière est justement celle où l’on commence à ressortir son vélo pour des balades ou des trajets nécessaires. Pouvoir le faire réviser chez un professionnel sans rien débourser ou presque, voilà qui peut effectivement motiver une nouvelle « demande », mais une demande largement artificielle car fondée sur l’existence d’une subvention.

Autrement dit, avec ses 50 € offerts, Mme Borne a complètement perturbé le marché de l’entretien et de la réparation des vélos. Elle a généré une demande qui n’existerait pas à ce niveau si le marché avait été laissé à lui-même et elle constate maintenant qu’on va manquer de réparateurs.

Interventionnisme pour interventionnisme, il serait dommage de s’arrêter en si bon chemin : la voilà maintenant lancée sur la piste d’une Académie des métiers du vélo afin de financer la formation de 250 réparateurs d’ci la fin de l’année et 500 par an ensuite :

Elisabeth BORNE

@Elisabeth_Borne

🚲Le plan vélo pour le a permis une forte croissance des réparations de
✅Pour répondre à cette demande et développer une expertise française du vélo, je lance une pour former 250 réparateurs, puis 500/an.
➡️https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/deconfinement-elisabeth-borne-lance-academie-des-metiers-du-velo-notamment-former-des-mecaniciens-en-0 

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Vous vous demandiez comment on crée des bulles (qui finissent toujours par éclater) et des professions protégées de la concurrence (qui finissent toujours par offrir un service de piètre qualité) ? Eh bien, suivez la recette de Mme Borne : distribuez des subventions !

Et réjouissez-vous car dès le joli mois de mai prochain, vous pourrez donner libre cours à votre fibre cyclo-festive grâce à la fête nationale du vélo que Mme Borne se propose d’instaurer (et financer) en fédérant ce qui existe déjà afin de fêter la bicyclette, petite reine du déconfinement !

On croit rêver, mais non.

sur le web:

Stage Remise en selle payé par nos impôts : dites-moi que je rêve !

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5 réflexions sur « Stage Remise en selle payé par nos impôts : dites-moi que je rêve ! par Nathalie MP »

  1. Il serait presque amusant de voir le vélo ,considéré avec un certain dédain par beaucoup avant la crise du covid-19,, devenir un concurrent redoutable des autre moyens de transport ,sur de petites distances, enfin disons 10 à 15 km maximum.,il ne faut pas exagérer non plus..
    Car vouloir transformer le citoyen en adepte forcené du sport ,de l’air pur, et d’une meilleure santé sans médicaments associés….il y a des limites à tout:!
    Aller travailler ,l’hiver notamment ou quand il pleut, à vélo n’est pas des plus agréable ni sécuritaire loin s’en faut….surtout dans certaines villes…et alors ne parlons pas des petites routes.
    Si sur le plan physique c’est un sport facile à pratiquer et qui est source de bienfaits. c’est incontestable ..notamment si vous habitez dans les zones montagneuses ou très vallonnées….quel plaisir de monter un col à son rythme(avec l’aide d’un petit moteur électrique au besoin),ou une succession de côtes verdoyantes…….et de foncer dans des descentes plus ou moins vertigineuses….sans respirer cette satanée pollution apanage des grandes citées..
    Les familles apprécieront aussi ce moyen de se déplacer …et pour un coût plutôt faible..
    Mais en ville ,sauf a supprimer la pollution (donc les voitures camions ,etc…), ce n’est pas le meilleur moyen pour respirer de l’air pur…et inciter parents et enfants a se lancer à fond dans l’utilisation du vélo de façon quotidienne pour soit aller travailler ,soit pour se rendre à l’école…ou à l’université…Voeu pieux s’il en est.
    Si l’on veut imiter les pays du nord de l’Europe…fervents adeptes du vélo depuis longtemps.il va nous falloir combattre bien plus sérieusement la pollution,mieux organiser la circulation des vélos et des autres véhicules…sans perdre de vue que que nous avons de très gros progrès à faire en matière de véhicules propres…..
    Nnous sommes tellement dépendant des autres également …des chinois notamment…et avons enterré tellement de projets novateurs dans le temps pour favoriser le pétrole et ses dérivés….
    A l’époque du TGV à grande vitesse , .des voitures ,des bus ;des camions roulant a l’hydrogène ou à l’électricité…….le retour au vélo marquerait donc un “progrès indéniable” selon nos dirigeants ….pour un coût marginal….sur de très courtes distances toutefois..
    .Si on y ajoute le transport des camions par voie ferrée pour les matières dangereuses. notamment …et l’utilisation plus grande des voies navigables dans notre pays…nous avons de quoi à faire. et à bien faire.
    Un immense chantier s’ouvre donc devant nous…pour réduire très fortement la pollution et aussi le gaspillage de l’énergie..
    car il faudra remplacer toutes les centrales nucléaires pour d’une part donner satisfaction aux écologistes de tous poils…sans pour autant couvrir la France de panneaux solaires et d’éoliennes…et fournir cependant suffisamment d’énergie pour les besoins de l’industrie et des particuliers….sauf a être dépendant une nouvelle fois des autres.
    Un travail quasi herculéen.
    Je m’arrête là..car j’ai du courrier a remettre à la poste…le temps d’enfourcher mon vélo..et c’est parti pour quelques kilomètres…sous un soleil d’été..32°..permettant de bronzer tranquillement …d’ obtenir la vitamine D salvatrice…revenue en grâce aux yeux de beaucoup, tout comme le vélo depuis le confinement, et enfin .pour couronner le tout effort qui rendra mon coeur plus solide encore..et mes articulations plus souples..;sans compter l’élimination des toxines dévastatrices..
    Toute contrainte a aussi ses effets positifs ne pensez-vous pas .?

  2. Encore une ministre qui veut marquer l’année de son nom. Dommage qu’avant de créer des nouvelles pistes cyclables, la ministre ne se soit par intéresser à celles existantes. Elles sont pleines de gravillons, de verres et de trous, à un tel point que la plupart des cyclotouristes ne les empruntent plus par peur des crevaisons, ce qui nous faut l’incompréhension des automobilistes qui nous klaxonnent parce que nous roulons sur la route. Remarquez l’état des petites routes n’aient pas meilleures avec tous ces nids de poule dont les services publics ont la grande bonté de nous avertir de l’existence à l’aide de beaux panneaux. La dégradation du réseau routier est si grande que nous sommes passés de la 1° place en 2012 à la 18° en 2019 dans le classement mondial.

    1. j entends déjà un responsable de nos zélites déclarer: le réseau routier est délabré? créons un impôt / vignette/ taxe/ contribution / participation (les communicants trouveront le vocable exact pour entuber le mougeon) sur … les vélos il y en a de plus en plus!

  3. Ah! Qui se souvient de ces bonnes vieilles photos, ou l’on voyait pas une voiture en chine mais des millions de vélos… voulons nous faire un remakes à la chinoise? Voir Paris, Paris, en vélos, ce serait marrant de voir les ministres Circulait dans Paris, sur le périphérique, aller à brégançon, à Bruxelles, à strasbourg, … sur les autoroutes avec leurs vélos. Plus en avion de première classe… , à l’époque les seules chinois en auto, n’étaient ils pas les pontes du parti communiste ? Ou les barbouzes de ce même parti?

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