Un livre à lire absolument : la grève d’Ayn Rand

Ce livre, parfait exemple de dystopie (*), est peu connu en France alors qu’il est le roman le plus publié aux USA. Question de culture sans doute …

Il est considéré, outre atlantique, comme le livre ayant eu le plus d’influence sur les gens du monde des affaires. Il est aussi considéré comme étant le livre ayant eu le plus d’influence sur le mode de pensée des américains après … la Bible !

Ce livre a été publié pour la première fois en 1957 et, officiellement, n’a été publié et traduit en français qu’en 2011.

Il faut dire que le sujet traité est explosif … surtout en France où l’on perçoit le monde américain comme l’antre du capitalisme ultra néo libéral sauvage !

Certes, c’est un roman et, comme tel, il raconte une histoire (qui se passe aux USA à une époque indéterminée) et on y suit les aventures de Dagny Taggart (principal personnage du livre et dirigeante d’une compagnie de chemins de fer), de Hank Rearden (magnat de l’industrie sidérurgique), de Francisco d’Anconia (magnat de l’extraction de cuivre) et de John Galt (génial inventeur).

Le livre commence par cette question « qui est John Galt », question récurrente tout au long du livre et qui devient une expression populaire signifiant une manifestation d’impuissance avant de découvrir, dans la deuxième moitié du roman, que le personnage existe bel et bien.

Mais ce livre contient aussi l’expression des opinions politiques de l’auteur. Elle y affirme la moralité du système capitaliste, le nécessaire égoïsme en matière économique (car « on ne travaille pas pour les autres ») et décrit longuement, par opposition, les dérives d’un système économique complètement dominé par la bureaucratie et le collectivisme … ce qui évidemment ne manquera pas de vous rappeler certains pays.

Tous les travers, toutes les dérives, tous les abus d’une économie administrée et dominée par des politiciens corrompus et des fonctionnaires, incompétents mais tous puissants, y sont décrits : la complaisance servile de la presse avec le pouvoir avant sa prise de contrôle par ce même pouvoir, le détournement de la morale, la manipulation de la population, l’hypocrisie des dirigeants, la lâcheté et les compromissions de certains milieux patronaux, la détestation du profit et de l’argent par une classe politique néanmoins avide … le tout avec la description d’un système économique qui finit par se dégrader puisque personne n’est responsable et ne veut être responsable.

On y voit les entreprises faire faillite les unes derrière les autres notamment parce qu’on leur impose des prix administrés (les prix de toutes choses sont décidés dans les ministères) et des quotas de production provoquant des pénuries de pétrole, de charbon, de chauffage, d’alimentation et à la fin des émeutes ; le tout ressemblant étrangement au Venezuela chaviste de Nicola Maduro.

Ayn Rand décrit un monde où l’entrepreneur n’est pas vu comme un créateur de richesses mais comme un profiteur, un exploiteur …où les marchés ne sont pas remportés par la qualité des produits mais par la corruption et le capitalisme de connivence.

Au fur et à mesure de l’emprise de l’administration, on voit l’économie qui se délite avec d’un côté l’inflation et la paupérisation de la population et de l’autre l’accusation proférée par les dirigeants politiques selon laquelle ce sont les riches qui sont responsables de la situation … étant entendu que ceux qui s’opposent au système sont des traîtres et des ennemis du peuple !

D’ailleurs, dans le monde décrit par l’auteur, il n’y a quasiment plus que des Etats populaires dans lesquels le profit est immoral et antisocial, les entreprises sont nationalisées ou sous contrôle direct de l’administration, où les licenciements sont interdits, où la concurrence et la croissance sont interdites en vertu de la loi sur « l’égalité des chances » ….avec un contrôle administratif des ressources qui se termine par la pénurie et, inévitablement, le développement d’une économie parallèle et où l’administration, afin de résoudre des difficultés insurmontables, promulgue textes sur textes ; les uns pour régler un problème et les autres pour essayer de corriger les distorsions constatées dans l’application du texte précédent !

On assiste aux conférences d’idéologues incompétents à la pensée confuse, qu’Ayn Rand appelle « les pillards », qui se réunissent pour ne rien dire ni ne rien faire de concret et se prennent néanmoins pour des capitaines d’industrie tout en fuyant ensuite leurs responsabilités devant les échecs de leurs tentatives pour établir leur vision du monde du bonheur parfait.

Il faut lire les 8 points du Décret 10-289 qui sont un parfait exemple de la dérive des Etats collectivistes ; laquelle se termine inéluctablement par un Etat policier et totalitaire !

On retrouve dans ce livre toutes les vieilles lunes des marxistes collectivistes prétendant agir dans l’intérêt du peuple … pour le plus grand malheur de celui-ci puisqu’il faut quand même rappeler qu’aucun système collectiviste n’a jamais réussi dans le monde (sauf à massacrer sa propre population) !

Pour vous donner une idée de la lucidité de l’auteur, je vous livre un extrait de la déclaration pour le moins cynique tenue par un membre de cette administration :

« Il n’y a pas d’autre façon de vivre sur terre. Les hommes ne sont ouverts ni à la raison ni à la vérité. On ne peut les atteindre avec des arguments rationnels. L’esprit n’a aucune emprise sur eux. Si nous voulons accomplir quoi que ce soit, nous devons les tromper pour qu’ils nous laissent l’accomplir ou les forcer. Ils ne comprennent rien d’autre. Nous ne pouvons espérer leur soutien pour aucun effort de l’intellect, pour aucun but spirituel. Ils ne sont rien d’autre que de méchants animaux. Ils sont avides, négligents avec eux-mêmes, nuisibles chasseurs de dollars … »

Évidemment, en France, pays largement étatisé, complètement dominé par sa caste de fonctionnaires, où le capitalisme est d’Etat ou de connivence, une vision aussi critique de ce qui ressemble fortement à notre organisation politico-économique apparaît complètement déplacée pour ne pas dire peu acceptable !

Le titre, en anglais, est « Atlas Shrugged » ce que l’on peut traduire par « le haussement d’épaule d’Atlas » ; titre obscur dont la signification n’apparaît qu’au milieu de l’ouvrage. La version française officielle utilise « la grève » et il existe une version non officielle qui utilise le titre « la révolte d’Atlas» ; cette dernière n’étant pas plus explicite.

Il faut, encore une fois, saluer le talent de personnes comme George Orwell (avec son désormais fameux 1984 – le terme « novlangue » étant désormais passé dans le langage courant) et Ayn Rand (américaine d’origine russe morte en 1982) et reconnaître qu’elles ont eu un véritable don de clairvoyance leur permettant de prévoir et de décrire, plus de 50 ans à l’avance, les dérives antidémocratiques et populistes de nos sociétés.

Tous nos politiciens et hauts fonctionnaires devraient avoir lu ce livre … mais je ne suis pas sûr qu’ils soient en mesure d’accepter la critique de leur monde, de leurs travers de comportement et de l’univers dans lequel ils évoluent !

Je ferai un seul reproche à ce livre, il est long … très long : 1.600 pages.

J’ai trouvé un site où l’on peut télécharger gratuitement la version officielle en français qui date de 2011(édition les belles lettres). Lien : ici

Il existait une deuxième non officielle proposée en format pdf par les « Editions du travailleur » (rien à voir avec Arlette Laguiller). Cette dernière version, réalisée en 2009 par Monique di Pieirro, est très imparfaite car elle comporte de nombreuses fautes d’orthographe et l’utilisation d’anglicismes non maîtrisés tels que des mots d’origine française mais dont le sens, en anglais, est différent du sens français ! Cette version semble avoir disparu des index de recherche sur Internet.

Bien cordialement à tous !

Φιλος απο την Ελλαδα ! (Philos – de la Grèce)

(*) Dystopie : récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur (définition Wikipedia).

 

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

4 réflexions sur « Un livre à lire absolument : la grève d’Ayn Rand »

  1. Frédéric BASTIAT résume assez bien la réalité du fonctionnement de certaines démocratie=
    « Quand le pillage devient un moyen d’existence pour un groupe d’hommes, qui vit au sein de la société , ce groupe finit par créer pour lui-même tout un système juridique qui autorise le pillage et un code moral qui le glorifie . «

    La République Française et son administration sont donc un système qui permet à une petite caste d’incompétents , de privilégiés d’avoir du pouvoir , des privilèges abusifs , et de l’argent en dépossédant des richesses , le peuple du secteur privé devenu esclave . Les esclaves produisent tous les jours et toujours plus taxés et imposés pour rembourser une dette que des incompétents ont créée .. »

    Mais un rappel historique intéressant le Traité des devoirs de Cicéron Il y a + de 2000 ans= Tous ceux qui seront à la tête de l’Etat doivent se souvenir des deux préceptes de Platon: veiller aux intérêts des citoyens en y rapportant tous leurs actes et en oubliant les leurs propres; avoir souci du corps entier de l’Etat en ne favorisant pas une partie aux dépens du reste. ….Ceux qui s’occupent d’une partie des citoyens en négligeant les autres introduisent dans la cité un mal qui doit la perdre, la sédition et la discorde; il arrive que les uns se dévouent pour le peuple; d’autres n’ont de zèle que pour les grands; bien peu songent à tous; de là sont nés à Athènes de grands conflits, et, dans notre république, non seulement des séditions mais des guerres civiles désastreuses.
    « Date et lieu de naissance de Ciceron : Auteur latin et homme d’État romain né le 3 janvier 106 av. J.-C. à Arpinum en Italie, Cicéron fut assassiné le 7 décembre 43 av. J.-C. à Gaète, ville située en Italie. Il meurt à l’âge de 62 ans, sa tête et ses mains furent exposées à la vue du peuple sur ordre de Marc-Antoine. »

    Veritas Thesaurus est ! La vérité est un trésor,
    « Ad augusta per angusta » signifie en français : « Vers les sommets par des chemins étroits ». Il faut comprendre que la gloire ne s’acquiert …

    1. Frédéric BASTIAT résume assez bien la réalité du fonctionnement de certaines démocratie=
      « Quand le pillage devient un moyen d’existence pour un groupe d’hommes, qui vit au sein de la société , ce groupe finit par créer pour lui-même tout un système juridique qui autorise le pillage et un code moral qui le glorifie . «

      Françoise Nyssen, France télévision, la redevance pour tous.

  2. Cette Phrase de Ayn Rand date de 1920 =
    Elle provient donc de la Philosophe Russe et Américaine Ayn Rand ( une juive fugitive lors de la révolution Russe qui a débarqué aux USA dans les années 20) et nous montre une vision des choses en tout état de cause :
    Quand vous vous rendez compte que pour produire , vous avez besoin de l’autorisation de quelqu’un qui ne produit rien…..
    Quand vous vous rendez compte que l’argent , c’est pour ceux qui font des affaires non pas avec des biens mais avec des faveurs…..
    Quand vous vous rendez compte que beaucoup sont devenus riches avec des pots-de-vin et une influence plus que pour leur travail , et que la loi ne nous protège pas de ces individus , mais quelle les protège à eux……
    Quand vous vous rendez compte que la corruption est récompensée et que l’honnêteté mène au sacrifice de soi-même……
    Alors vous pouvez dire , sans avoir peur de vous tromper , que la société est condamnée.

    1. Non, cette phrase n’est pas de 1920 (Ayn Rand est née en 1905) mais d’un de ses personnage dans le livre publié en 1957. Il faut préciser que cette phrase n’est pas une réflexion philosophique mais un extrait de son roman dystopique monumental (1600 pages!) Atlas Shrugged. Il s’agit d’une phrase dite par un des protagonistes du roman. La romancière et philosophe professant elle une “éthique de l’égoïsme” Elle admirait les USA: ” « Je peux dire — et il ne s’agit pas d’une banalité patriotique, mais avec une connaissance complète des racines métaphysiques, épistémologiques, morales, politiques et esthétiques nécessaires — que les États-Unis d’Amérique sont le pays le plus grand, le plus noble et, dans ses principes, le seul moral de l’histoire du monde » (son discours aux élèves de l’académie militaire de West Point en 1974). Elle a représenté l’incarnation de la ‘self-made woman immigrée’, car elle réussissait cet exploit tout en professant un athéisme radical et critiquant violemment l’altruisme au nom de l’ ‘égoïsme rationnel’! Elle a inspiré, parmi beaucoup, un certain Ronald Reagan.

      Elle a prit position sur de grandes questions de société. Elle s’était opposée s’opposant à l’engagement américain dans la deuxième Guerre mondiale. Elle a soutenu Israël pendant la guerre du Kippour.
      Elle s’est également exprimée sur les thèmes de société où elle pouvait trancher grâce à sa morale objectiviste, ainsi sur l’égalité des sexes, l’homosexualité, le racisme et le travail…

      Elle rejetait la foi considérée comme opposée à la raison et condamne toute forme de mysticisme et les religions. Elle prône le réalisme philosophique pour mettre en avant l’égoïsme rationnel, soit l’égoïsme de l’intérêt personnel. C’est pour elle le seul principe moral digne d’être suivi. Elle s’oppose ainsi à l’altruisme, de mentalité collectiviste. Pour elle, l’individu est selon elle la base de toute morale! Elle écrit qu’«il se doit d’exister pour lui-même» et «ne jamais se sacrifier pour les autres, ni sacrifier les autres pour lui-même».

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