Une hypothèse évidemment invraisemblable … quoique !

Imaginez un monde de crédit gratuit et illimité, d’argent qui ne coûte plus rien où l’on peut s’endetter à l’infini  … impossible ?

C’est pourtant le vôtre !

En 2018, la France va enfoncer le mur de la dette et emprunter sur les marchés près de 200 mds € à des taux magiques proches de zéro qui permettent à certains de penser que si l’argent ne coûte plus rien … ça ne coûte rien de s’endetter !

Evidemment, tout le monde trouve cela merveilleux … quoique, finalement, il n’y ait qu’en France qu’on trouve cela merveilleux car la Commission Européenne commence à sérieusement s’inquiéter de la progression ininterrompue de la dette française alors que la France refuse obstinément de prendre les réformes nécessaires à une meilleure gouvernance économique, fiscale et financière et l’Allemagne désapprouve aussi mais d’une part elle a peur de mettre les « pieds dans le plat » car ce serait porter atteinte à la crédibilité de la zone € tout en vexant les partenaires français vis-à-vis desquels ils ont longtemps nourri un sentiment d’infériorité et d’autre part elle est actuellement empêtrée dans des difficultés électorales puisque Mme Merkel peine à constituer une coalition de gouvernement.

Evidemment, Macron et la haute administration française profitent pour l’instant de la situation d’autant plus que celui-ci, histoire de rassurer tout le monde, a fait des déclarations proeuropéennes en appelant à une nouvelle gouvernance de l’Europe !

En fait, ce qu’on ne vous dit pas c’est que Macron et son administration fonctionnent selon un mode de pensée planifiée dans lequel il n’y a pas de place pour l’aléa !

Ils tablent pour cela sur plusieurs idées dont vous pourrez apprécier à la fois la profondeur et le cynisme :

  • la France ne peut pas être traitée n’importe comment ; elle est le pays des droits de l’homme et un des six membres fondateurs de l’Europe !
  • la France représente un risque systémique c’est à dire que si jamais on la met en difficulté, cela fera sauter tout le système sans bénéfice pour personne !
  • il est très bien que l’Allemagne soit empêtrée dans ses difficultés électorales ; cela réduit d’autant le pouvoir de la chancelière et son influence au sein de l’Europe,
  • l’Allemagne a trop à perdre à taper du poing sur la table et à exiger trop fort des réformes que la haute administration française et ses politiciens ne veulent pas faire car l’Allemagne est le créancier de l’Europe et si l’Europe saute, elle perd tout !
  • les déclarations proeuropéennes de Macron ne sont que de pure forme car l’idée est en fait d’imposer aux européens les règles françaises … c’est tellement plus pratique !

Évidemment, les français « ordinaires » n’ont nul besoin d’être tenus informés de ces « détails », l’essentiel étant qu’ils restent persuadés que tout va bien et que l’Etat français est toujours là pour les protéger !

Seulement, l’avenir étant par définition inconnu et dans une certaine mesure imprévisible, ces petits calculs apparaissent pour le moins critiquables et présomptueux !

L’embellie macronnienne du début de mandat ne doit pas faire illusion ; les français restent toujours perçus par les autres européens comme arrogants et les propositions de Macron en matière d’Europe trop franco compatibles.

La parole de la France ne vaut que tant que celle-ci reste crédible vis-à-vis des autres membres de l’UE et donner des leçons de gouvernance tout en ne respectant pas soi-même les règles communes est un exercice qui trouve très rapidement ses limites !

Finalement, les allemands ont traduit les déclarations volontaristes de Macron sur l’Europe avec cet aphorisme ironique : « la France décide et l’Allemagne n’a plus qu’à payer » !

Autant dire que les dirigeants français semblent vivre dans un monde idéal où ils décident et les autres n’ont plus qu’à obéir !

Or, en l’état actuel des choses, l’évolution de l’Europe est seulement orientée dans le sens d’une limitation des risques bancaires et il n’est nullement question d’une mutualisation des dettes comme le souhaitent pourtant les français !

La réalité risque d’être un peu différente voire même franchement plus désagréable !

Il faut, à ce stade, rappeler quelques principes « de base » :

  • aucun état ne peut s’endetter à l’infini !
  • pour l’instant la faculté d’endettement de la France est facilitée par la « stratégie » de la BCE d’émission monétaire destinée à financer les états impécunieux et il apparaît hasardeux d’en conclure que ça durera toujours …
  • le contribuable français est la caution implicite des dettes faites en son nom c’est à dire que la crédibilité de la France repose sur sa capacité à tondre le contribuable !
  • la France viole les traités européens depuis déjà plus de dix ans en ne respectant ni les règles d’endettement (60% du PIB – nous en sommes à presque 100%) ni les règles de déficit annuel (3% du PIB – nous en sommes à 3.5% et encore en trafiquant la comptabilité … comme les grecs !) ; on va donc un jour « se faire taper sur les doigts » !
  • la crédibilité de l’Europe et de la zone € repose entièrement sur l’Allemagne et sa puissance économique fortement exportatrice,
  • nous ne pouvons pas tout contrôler et un évènement fortuit peut toujours provoquer un déséquilibre mondial qui remettra tout en cause !

Il est bien entendu évident que les hauts fonctionnaires français savent tout cela et qu’ils font en sorte d’anticiper les problèmes ; non pas en améliorant la gestion de l’Etat mais en faisant en sorte que le flux d’argent ne soit jamais interrompu !

Car, ce qu’on ne vous dit pas c’est que la trésorerie de l’Etat fonctionne en flux tendu ; et même parfois en flux très tendu et que toute rupture de la « chaîne » pourrait avoir des conséquences catastrophiques !

Le fonctionnement de l’Etat étant basé sur la collecte de l’impôt, tout est donc fait en ce sens avec la mise en place :

  • du prélèvement à la source généralisé (TVA, CSG, IRPP),
  • de procédures fiscales permettant de contraindre les contribuables au paiement de l’impôt, (contrôles croisés, redressements, sanctions),
  • de procédures de traque fiscale pour arriver à mettre la main sur les ressources fiscales cachées (fraude, dissimulation fiscale) de manière à ratisser le plus large possible !

Le but inavoué est clairement d’empêcher le contribuable français de refuser de jouer le jeu, car, si subitement les contribuables français entraient en révolte et refusaient de payer l’impôt, l’Etat, submergé par le nombre, se retrouverait très vite dans l’incapacité de faire face à ses échéances.

Or, nous savons tous que le consentement à l’impôt, si tant est qu’il ait jamais existé, diminue à mesure que la pression fiscale augmente !

Le système a donc été conçu pour organiser le contrôle le plus étroit possible de la population et empêcher tout risque de rébellion en faisant sorte que le contribuable n’ait aucun choix.

C’est ce qu’on appelle en mathématiques « supprimer un aléa » !

Il n’en demeure pas moins que toute cette construction reste à la merci d’un évènement extérieur, fortuit, par nature imprévisible et/ou incontrôlable : Une crise mondiale, une guerre localisée, une tempête financière planétaire …

Imaginez ainsi qu’un jour, dans des circonstances pour l’instant non définies, les allemands, estimant avoir suffisamment expié le nazisme, en aient assez de payer pour les autres et décident de quitter la zone € ?

Que va-t-il se passer ?

Rien vous répondra-t-on, l’€ continuera sans les allemands !

Faux, car si l’Allemagne quitte la zone €, certains pays suivront (Pays Bas, Luxembourg, Autriche, Finlande, Danemark, Suède, Slovaquie, République Tchèque, probablement aussi les pays baltes et la Slovénie).

Et que restera-t-il ? Les pays du Club Med c’est à dire une Italie avec une dette à 130% du PIB, une Grèce à 180 % du PIB, une France à 100%, une Espagne à 100%, une Belgique à 110%, un Portugal à 130% … autrement dit tous ceux qui ne peuvent pas quitter l’€ sans risquer un désastre !

Inutile de se faire des illusions : une zone € nouvelle version, assise sur une montagne de dettes, perdra sa qualité de monnaie forte pour devenir une monnaie faible sujette à la spéculation. Or, aucun état (ni aucun groupe d’états) ne peut s’opposer à une spéculation mondiale contre sa monnaie ni même empêcher une dévalorisation de sa monnaie !

Vous me direz : les dirigeants français seront enfin les plus heureux du monde car l’€ deviendra alors une monnaie faible et compétitive ! Même pas besoin de revenir au Franc !

Sauf que ça ne se passera pas comme cela ; compte non tenu fait que la compétitivité économique ne se mesure pas seulement à la valeur la monnaie mais doit tenir compte de la fiscalité et des prélèvements sociaux (et là nous sommes très mal placés) !

Il en résultera une perte de confiance généralisée alors que l’Etat français vit au dessus de ses moyens et à crédit en dépensant l’argent qu’on lui prête.

Or, en matière de crédit, deux règles s’appliquent ; sans aucune dérogation possible :

  • un débiteur, quel qu’il soit, ne doit jamais se retrouver à la merci de ses créanciers ; ce qui n’est pas le cas avec 70% de notre dette souscrite et détenue par des étrangers !
  • la confiance est essentielle car sans confiance plus de crédit !

Or, quelle crédibilité accorder à un état surendetté et qui ne survit que grâce à l’argent qu’on lui prête ?

La défiance s’installera et les taux d’intérêts vont se mettre à monter et passer très rapidement de 0 à 5 ou 6% l’an, voire plus si ça va plus mal, et en général le phénomène s’auto entretient ; c’est à dire que plus les taux montent, plus les prêteurs prennent peur et plus les taux montent jusqu’au moment où ils deviennent astronomiques et la dette insoutenable !

Autrement dit, la porte du crédit se refermerait très rapidement ! Les grecs ont une bonne expérience de la chose … les taux sont montés à plus de 40% pour des emprunts supérieurs à 2 ans !

La France se retrouverait alors en grave difficulté car notre économie n’est pas compétitive et est très fortement importatrice ; car nous importons bien plus que nous n’exportons !

Or, il existe une règle intangible en économie : un pays avec une mauvaise économie a nécessairement une monnaie faible, à la valeur incertaine … dont personne ne veut !

Ce pays doit donc nécessairement utiliser, pour payer ses importations, une monnaie étrangère (DM, US$, Yen, GB£) acceptée mondialement et cette faculté dépend donc de la détention de « réserves de change » que nous ne pouvons acquérir qu’avec nos exportations !

On se retrouverait alors dans le cas de figure « d’avant l’€ » dans lequel, faute de pouvoir emprunter, nous devrions avoir des réserves de change pour pouvoir continuer à acheter à l’étranger télévisions, ordinateurs, téléphones, voitures et leurs pièces détachées, machines à laver et tous ces biens manufacturés que nous ne fabriquons plus auxquels il faudra ajouter l’énergie (pétrole et gaz) et les matières premières (métaux, minerais, produits agricoles) dont les coûts exploseraient !

Tout cela aurait un double effet collatéral inévitable :

  • nous aurions une envolée de l’inflation parallèlement à une crise économique probablement violente avec laminage de vos économies, de vos rémunérations, de vos pensions et de vos patrimoines financiers,
  • et nul doute que, dans un club de perdants, tout le monde se déchirerait et que la zone € nouvelle mouture n’y résisterait pas !

Il en résulterait probablement pour nous un retour en arrière de vingt ans !

Bavardages que tout cela, vous répondra notre noblesse d’Etat ; il n’y a aucun risque, l’Europe est stable et la zone € aussi !

On verra …

Evidemment, nos politiciens et ces mêmes hauts fonctionnaires sauront, pour le cas « vraiment improbable » où nous aurions de tels problèmes, trouver les responsables à jeter en pâture à la vindicte populaire : parions sur les allemands, la mondialisation, les banques, la finance internationale, le grand capital, l’ultra néo-libéralisme … c’est à dire les autres !

Le discours habituel, finalement !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

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