L’économie à la française : Un modèle à la dérive !

Nous sommes désormais bien loin de la situation qui prévalait pendant la période des trente glorieuses, entre 1950 et 1974, avec le plein emploi et une croissance annuelle de plus de 5% l’an. Tous les comptes publics sont désormais dans le rouge, les impôts augmentent sans arrêt, ils sont les plus élevés d’Europe, et pourtant les déficits continuent à progresser, ils sont aussi les plus élevés d’Europe !

Aujourd’hui, la croissance demeure très faible, le chômage reste bloqué à un niveau anormalement élevé (environ 10%), la dépense publique atteint 57 % du PIB, les prélèvements obligatoires à 47,6 % du PIB sont les plus élevés d’Europe, le déficit du commerce extérieur bat tous les records, la dette publique rapportée au PIB est passée de 20% en 1974 à 100%, nous empilons les déficits budgétaires (le dernier excédent budgétaire remonte à 1974 et pour 2018 il est prévu un déficit de 80 mds €), alors que les dépenses sociales représentent 32 % du PIB (contre 20 % en moyenne dans les pays de l’OCDE).

L’investissement public est passé en 25 ans de 4,5 % de PIB à 2,6 % de PIB et les dépenses publiques, hors investissement public, de 35,8 % de PIB à 39 % du PIB. On assiste donc clairement à une dérive des finances publiques qui se limitent à gérer le cours terme !

La France compte aujourd’hui 125.000 entreprises exportatrices quand l’Italie en compte 250.000 et l’Allemagne 400.000 ; ce qui explique un déficit du commerce extérieur de 62,8 mds € en 2017 (sources Douanes ici).

Parallèlement, en vingt ans, le nombre de professionnels indépendants (commerçants et professions libérales) est passé de 4.5 à 2.5 millions ce qui tend à démontrer que ce modèle économique a été, d’une manière ou d’une autre, dissuadé par les autorités publiques alors que, pendant ce temps, les fonctionnaires sont passés de 2 millions à 5.6 millions !

Nous sommes dans les profondeurs du classement à la fois pour la liberté économique et pour la compétitivité fiscale (voir ici pour les références aux indices).

Pas de quoi se vanter !

Comment se fait-il donc que le modèle économique à la française des années 1950-1974 avec le plan et une économie administrée « à la française » fonctionnait et ne fonctionne plus aujourd’hui ?

L’explication tient en une simple phrase : Un coût réel de fonctionnement de l’économie masqué et noyé dans l’impôt !

Trois raisons principales expliquent cette dégradation :

– La croissance, liée à la reconstruction après la guerre, était telle que, même avec un mauvais modèle économique nous avons enregistré une croissance importante ; alors même qu’il a fallu faire face aux guerres d’Indochine et d’Algérie,

– le modèle français a abouti à la mise en place de grands groupes publics monopolistiques à capitaux d’état c’est à dire financés entièrement par l’impôt (EDF, Sncf, Cogéma-Aréva, Air France, Total, Elf, …) ; modèle qui masquait ses insuffisances ou ses coûts parce que l’économie fonctionnait alors plutôt en circuit fermé avec des marchés domestiques plus ou moins captifs. Tous les produits bruns (télés, frigos, machines à laver, etc.) étaient disponibles en tant que produits fabriqués en France ; la notion de prix de revient était alors relative et la concurrence presque inexistante ! Les canards boiteux survivaient parce qu’ils pouvaient augmenter les prix sans perdre des clients … qui n’avaient pas vraiment d’autre choix !

– Parallèlement, l’Etat a développé son emprise sur la société pour devenir « l’Etat providence » dont le coût reste acceptable en période de forte croissance et de chômage faible mais devient prohibitif lorsque la croissance ralentit ou devient très faible ; alors que la caractéristique de l’Etat providence est que ses coûts augmentent mécaniquement ; avec un effet induit plus ou moins volontaire : l’administration a pris une ampleur considérable et d’ailleurs inédite en Europe de l’ouest.

Néanmoins, notre évolution a été moins favorable que des pays comme la Suisse ou l’Allemagne car, à l’avènement du Nouveau Franc en 1960 (issu d’une dévaluation), le NF était à parité avec le Franc Suisse, pour terminer à une valeur supérieure à 4 en 2000 et que la DM, à sa création en 1949, valait 0.49 FF pour terminer à 3.40 NF ; ce qui traduit indubitablement un manque de compétitivité compensé par l’érosion permanente de la monnaie !

Un dessin valant mieux qu’un long discours, je vous ai ajouté la courbe de variation du NF par rapport à la DM et ensuite au CHF. Vous pourrez apprécier le plongeon du NF qui se passe de commentaire !

 

Fatalement, le niveau de vie des suisses et des allemands a progressé davantage que celui des Français et, en fait, notre système économique dirigiste était moins efficace mais cela ne se voyait pas (ou pas trop) !

Aujourd’hui, ce système ne tient plus la concurrence (en fait il ne l’a jamais tenue) car le monde a changé, d’abord avec l’ouverture des frontières dans le cadre de l’Europe, ensuite avec la mondialisation de l’économie dans le cadre d’un processus irréversible.

La mondialisation n’a pas d’idéologie, elle est la conséquence de l’émergence d’un modèle économique nouveau lié aux transports mais aussi au numérique et à des activités purement incorporelles telles que les GAFA (Google, Facefook, Amazon, …)… et d’ailleurs il est intéressant de savoir qu’aucun grand groupe industriel n’est apparu en France depuis 1973 à comparer aux Google, Amazon, Pay Pal, Facebook, Tesla et autres … sans évoquer la ribambelle de sociétés chinoises (Huaewai, Lenovo, Ali baba et autres) qui ont toutes moins de vingt ans !

Les sociétés du CAC 40 français sont de vieilles entreprises qui prospèrent ou survivent dans un système clientéliste sclérosé dominé par l’administration qui apparaît comme un interlocuteur et un donneur d’ordres indispensable voire incontournable !

Car, l’emprise de l’administration a créé une situation anormale de clientélisme des grandes entreprises françaises vis-à-vis de l’administration donneuse d’ordre et payeur (politique des grands travaux TGV, autoroutes …) ; l’effet pervers a été un capitalisme de connivence, avec des marchés « arrangés » aggravé souvent par le fait que les grandes entreprises françaises sont souvent dirigées par des fonctionnaires issus de l’ENA !

Le monde change et il faut s’adapter or le modèle français, à la fois rigide et dispendieux, basé sur une administration pesante, ne s’adapte pas car il n’est absolument pas réactif et ne comprend pas le mécanisme de marché puisque, par définition, l’administration n’y est pas soumise !

L’emprise de l’administration a un effet pervers bien connu : l’administration ne raisonne pas en termes économiques et ne se pose pas la question du prix de revient ni de l’adéquation des dépenses par rapport à l’utilité (rapport coût/utilité). Elle obéit en outre à des considérations politiques quand ce n’est pas aux délires narcissiques de politiciens souhaitant valoriser leur ego !

La différence entre une entreprise et l’administration se joue sur 2 niveaux :

– l’entreprise et ses actionnaires paient et risquent pour réussir. Le fonctionnaire ne prend aucun risque et au mieux il dépense l’argent des autres,

– l’entreprise se trouve dans une situation de concurrence permettant aux consommateurs et aux clients, de comparer les offres de plusieurs producteurs, locaux ou éloignés et de choisir. De ce fait, l’entreprise est obligée d’être réactive aux mouvements du marché car c’est la condition de sa survie notamment en recherchant la satisfaction de la clientèle tant au niveau de la qualité qu’au niveau de l’utilité. Le fonctionnaire ne réagit pas au marché, il agit seulement dans un cadre hiérarchique qui considère l’individu comme un administré et non comme un client et il ne rend compte de son action que dans ce cadre hiérarchique.

La gestion de l’économie par l’Etat n’est en fait pas efficiente et la liste des entreprises publiques en mauvais état est sans fin (Sncf, Areva, Edf, Air France, la télé publique ; les dettes s’accumulent par centaines de mds €).

En plus, il s’avère que le pays a été (très) mal géré depuis l’arrivée de l’€ en 2002 car, au lieu de profiter de la monnaie unique pour réformer, nous avons utilisé la caution implicite de l’Allemagne pour vivre au dessus de nos moyens en empruntant massivement sur les marchés à des taux très bas ; avec pour corollaire une expansion de la dette publique qui n’aurait pas été possible avec le Franc car, au-delà d’un certain seuil d’endettement, les taux d’intérêts demandés seraient devenus prohibitifs (ce qui est arrivé à la Grèce) !

Les français croient naïvement qu’ils sont protégés par l’Etat alors qu’en fait ils sont soumis à un état qui les maintient artificiellement en captivité ; mais il est vrai que la population la plus faible économiquement, effrayée par les changements économiques, demande plus d’état alors que ce n’est pas la solution !

Nous sommes en fait en lente régression économique ; c’est à dire que l’on dégringole lentement dans le classement mondial ; avec pour conséquence une lente paupérisation de la population ; anesthésiée temporairement par le maquis des aides sociales !

Il est alors facile pour une administration omniprésente de nous abreuver de solidarité et d’égalitarisme alors que la société française est en fait extrêmement inégalitaire, totalement sclérosée par des privilèges indus accordés aux uns au détriment des autres, ce que l’on retrouve dans l’hyper codification du droit du travail, le poids excessif de la fiscalité ou encore l’immensité de dépenses sociales infinançables et justifiant un recours permanent à l’emprunt !

Les caractéristiques de notre modèle économique sont : l’addiction au protectionnisme, à la dépense publique aux impôts, le planisme, la gabegie, l’irresponsabilité … le tableau n’est vraiment pas flatteur !

On peut bien nous abreuver avec des aphorismes ridicules comme :

  • faire payer plus l’impôt et moins le contribuable,
  • non pas dépenser moins mais dépenser mieux,
  • non pas réduire les dépenses publiques mais maîtriser les dépenses publiques (sic Philippe premier ministre)

ils ne sont que l’auto justification des dérives d’une administration globalement incompétente et inefficace.

Notre modèle économique, complètement figé et obsolète, avec un tissu économique et social subordonné aux objectifs d’un État et d’une administration à la fois tentaculaire et despotique n’est ni efficient ni compétitif !

L’administration ne créé ni richesses ni emplois, elle ne créé que des règles de plus en plus complexes qu’elle seule peut interpréter et qui justifient sa propre existence en la rendant incontournable. Elle est irréformable par elle-même !

La glorification du chef est une pratique très française qui permet de masquer nos graves insuffisances et Macron est l’archétype du type qui fait croire qu’il fait quelque chose alors qu’il ne fait strictement rien !

Μακρον το μεγαλο (lire Macron to megalo – Macron le grand ou Macron le mégalo … beaucoup de mots français comportant une racine grecque on aboutit à des ambiguïtés de traduction surprenantes – j’ai utilisé le K au lieu du C car ce dernier n’existe pas en grec ou plutôt si dans certaines formes anciennes mais c’est alors un S !) président d’un pays où le taux de chômage est au moins deux fois plus élevé que dans les autres grands pays riches et démocratiques et où la fiscalité est l’une des plus élevées du monde, n’a pas pu résister à la tentation narcissique de donner, au reste du monde, au Forum de Davos, des leçons d’économie dirigée à la française !

C’est dire l’autisme de nos hauts fonctionnaires, pétris de leurs certitudes jacobines et dirigistes, enfermés dans un modèle où ils se perçoivent comme le centre de tout. Macron fait partie de ces idéologues de la fonction publique, persuadés qu’une société peut entièrement reposer sur des obligations réglementaires et des interdits !

A des étatistes de droite succèdent des étatistes de gauche et la meilleure image que l’on puisse donner de la situation est celle d’une France qui manœuvre comme le Titanic … incapable de tourner et de prendre le virage d’un monde en pleine mutation !

On sait comment le Titanic a fini et ce n’est pas l’intégration au PIB du commerce illégal de la drogue qui va nous sauver !

Ce qui précède est la chronique d’un désastre annoncé !

Bien cordialement à tous !

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

10 réflexions sur « L’économie à la française : Un modèle à la dérive ! »

  1. Bonjour,
    Je vous conseille le livre “Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours”, écrit par un collectif de journalistes qui illustre parfaitement la collusion public, privé que vous dénoncez dans votre article
    C’est assez édifiant

  2. Tant que la France pourra emprunter à taux bas, tout est masqué
    Le jour où les taux remontent, c’est la fin de la fête
    Se pose alors deux questions et j’aimerais bien avoir votre avis
    1)-Cette fameuse remontée des taux va t’elle se produire graduellement ou brutalement après une très longue période (hypothèse que je privilégie) ?
    2)-Quelles en seront les conséquences sociales : mise en place d’une dictature européenne (le vœu de Macron selon moi) où l’anarchie avec de plus en plus de zones de non droit, une partie de la province, des banlieues et le retour à une économie de pénurie ?
    En tout cas, bravo pour votre article, c’est un des meilleurs que je n’ai jamais lu

    1. Merci
      Vous observez l’actualité, comme moi …
      Cette histoire de taux est effectivement une bombe à retardement
      j’ai prévu d’aborder ce point dans deux articles à paraître dont l’un sous quelques jours.

    1. Merci,
      Ok, je vais faire un article sur les solutions
      Seulement, il faut savoir que le système étatique a fait en sorte de se créer une clientèle et que toute réforme sera immédiatement rejetée !
      A mon avis, le politicien (ou plutôt le technicien intègre) qui résoudra les problèmes n’est pas encore visible (s’il existe) et il faudra attendre l’écroulement du système pour espérer une remise à plat ….

    2. JEAN ARTHUIS a passé 21 mois à BERCY (lire son petit ouvrage de 280 pages Dans les coulisses de BERCY chez Albin Michel).

      Cependant l’auteur reconnait que les quatorze directeurs de BERCY œuvrent dans l’ombre des coulisses.

      Alors même que le Ministre, pourtant posé sur la scène où on lui souffle des coulisses ses interventions ne parvient pas à jeter toute la lumière ne serait-ce que sur les rémunérations des successeurs des nouveaux fermiers généraux.

      Bref s’attaquer à BERCY sans avoir une idée précise de ce qui peut succéder à la fiscalité actuelle est peine perdue devant l’efficacité terrifiante des 14 directeurs qui gèrent la France comme des maltôtiers.

      JUSTIN MENIER, le chocolatier, dans THÉORIE ET APPLICATION DE L’IMPÔT SUR LE CAPITAL 700 pages, chez Gallica, distingue bien en 1874 le capital circulant dont il faut lever les multiples garrots qui étranglent l’économie (sujet toujours actuel de ce post) du capital fixé au sol qui doit payer les fonctions régaliennes à lui seul. Le critiquer sans lire cet auteur me laissera sans réponse.

      Cordialement

  3. Quelle belle analyse de la situation Mr Philos, je partage l’analyse de chacun de vos articles et attend les nouveaux avec impatience.
    Pour les comprendre il faut avoir été confronté au monde de l’entreprise, à la dictature des fonctionnaires c’est à dire la réalité des choses.

  4. la preuve, ils retirent les 500e
    on est en époque promotionnelle de voltaire en Seins-gore
    j’attends la promotion tesla , la seule qui nous sauvera car sinon .. on retombera sur la promotion Adolf !!
    les teutons(nous ) nick depuis pas mal de temps ce serai un juste retour des choses de la vie .
    un VELIV de la fonction publique au travail, les restes en camp …….de TRAVAIL !!!
    bref comme dirait pépin , on reviens a une condition humaine raisonnable avec une MINE joyeuse !
    ca ferait retomber le chômage, on développerait encore plus les réseaux informatiques par Colomb -anal scopie et la CGT serait contente de retomber en BOLCHEwhisky !

    donc soit pépone ou don Camillo !!
    fiat iluminati , luxe “les voies des francs maçon sont impénétrable”

    ps / pour info …le Titanic …
    les riches s’en sort sortit très bien, il ont évacué avant que le petit choc ( en non pas la grosse voie d’eau ) ait fait sombrer le navire .
    comme dirait Elliot , ils ont surfé sur la vaque et on s’est bien fait KEYNES

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