L’immobilier nouvel Eldorado fiscal ?

Nous vivons dans un système paradoxal !

Puisque nous avons le record de la fiscalité et des prélèvements sociaux en Europe, tout devrait aller pour le mieux et les comptes publics devraient être prospères !

Or, c’est tout l’inverse !

Plus les prélèvements sociaux et fiscaux s’alourdissent et plus nous empilons les déficits, le chômage et la dette !

La conclusion s’impose d’elle même : le système ne fonctionne pas  et il est donc logique d’en tirer les conséquences et à tout le moins d’en changer ; d’autant que, pendant ce temps, l’Allemagne voit ses comptes être équilibrés voire même être excédentaires.

Il est donc légitime de penser que le problème est purement français !

Or, visiblement ce n’est pas la voie choisie par le gouvernement dans son dernier projet de budget puisqu’il continue de plus belle dans une voie qui mène droit à la faillite !

En effet, après avoir annoncé, à grand renforts de communication, que les dérapages étaient finis et qu’il y allait y avoir des économies comme jamais on en avait vu, le budget est finalement toujours aussi déficitaire et les dépenses toujours aussi élevées !

En fait, tous les records sont battus !

Finalement, les économies ne seront faites que par les « riches retraités » qui, en moyenne, perçoivent 1.334 € par mois de pension puisque la charge fiscale, via la CSG, va augmenter (en moyenne) pour eux de 272 € par an !

L’IREF a fait un calcul qui démontre que pour avantager un salarié à 10.000 € par mois on allait spolier 7 retraités à 1.200 € par mois !!!

Il n’y a pas de doute … le gouvernement sait ce qu’il fait …

Par ailleurs, dans sa folie dépensière, le gouvernement semble avoir trouvé son nouvel Eldorado fiscal : l’immobilier !

Les objectifs officiels sont de réorienter l’épargne vers les entreprises parce que la rente immobilière ne serait pas productive … et puis, promouvoir les entreprises, ça fait moderne et dynamique !

En fait, nos hauts fonctionnaires n’ont pas été sans remarquer que, plus on taxe le capital, plus il s’en va sous des cieux moins fiscalisés et, dans une logique administrative et technocratique, ils cherchent aujourd’hui à faire revenir les entreprises car figurez-vous que ce sont les entreprises qui créent les emplois dont on a tant besoin !

Et donc, pour cela, on va pénaliser l’immobilier !

Logique non ?

En fait, après avoir essoré les entreprises, on s’attaque à ce qui reste : L’immobilier !

Aujourd’hui, les seules entreprises qui s’en sortent sont celles du CAC40 pour la raison très simple c’est que l’essentiel de leur activité est réalisée à l’étranger !

Ce constat est évidemment désolant …

On poursuit donc l’accablement fiscal en augmentant la fiscalité sur l’immobilier alors qu’elle est déjà l’une des plus lourdes d’Europe notamment parce que l’immobilier ne bouge pas et donc reste, quoiqu’il arrive, une cible fiscale de premier choix !

Il faut dire que les français aiment l’immobilier et que celui ci reste relativement stable ; c’est donc un placement sécurisant même s’il ne rapporte plus grand chose aujourd’hui !

Ce faisant, le gouvernement oublie deux choses :

  • ce n’est pas en pénalisant un peu plus l’immobilier que l’investissement dans les entreprises va devenir intéressant car entre un mauvaise placement et un très mauvais placement, quel choix reste-t-il sinon celui de s’abstenir ?
  • la fiscalité sur les entreprises est pénalisante au possible et n’a pratiquement pas changé car ce gouvernement de fonctionnaires, qui n’est que la continuation des précédents, méprise de longue date les entreprises privées et a tout fait pour les assujettir à sa botte mais aussi et surtout parce qu’il a engagé une lutte constante pour que l’épargne des français soit bien canalisée vers la dette de l’État français !

Or, investir dans les entreprises, c’est prendre un risque très sensiblement plus élevé que celui lié à l’immobilier ; car les actions ce n’est finalement que la promesse d’une plus-value (taxable) si l’entreprise se développe et de dividendes (taxables) si elle fait des bénéfices et que l’assemblée générale annuelle décide d’en distribuer !

Par contre, en cas de krach, tout est perdu alors la pierre reste … nécessairement !

C’est à dire qu’en fait, on vous offre le choix entre la grosse matraque fiscale (pour l’immobilier) et la matraque fiscale un peu moins grosse (pour les entreprises) et finalement on vous demande de prendre des risques … pour payer des impôts ; d’autant qu’une flat tax à 30% n’a aucun intérêt car à ce montant elle n’est surtout pas flat (en général c’est 12%) !

Très accessoirement, il n’est pas inutile de rappeler que les cours des actions du CAC sont au plus haut, du fait du recyclage par les banques de l’argent gratuit de la BCE.

Il ne peut donc y avoir qu’une correction violente à la baisse dans les prochains mois ; et comme aux USA les cours des actions du Dow Jones ont atteint des sommets himmalayens, le coup de semonce peut fort bien venir de la-bas et se répercuter violemment en Europe !

Il faut dire, qu’au nom de l’idéologie, il avait été décidé, par Hollande, de matraquer les produits d’épargne et de placement ; seulement … les placements à taux fixes ne rapportent désormais plus rien et l’application d’une fiscalité même spoliatoire ne rapporte plus non plus puisque fatalement 100% de zéro ne fait jamais que zéro !

Il faut donc se redéployer fiscalement et trouver un nouveau gisement !

L’immobilier qui, par définition, ne peut pas bouger est donc une cible de (premier) choix !

Mais, ce n’est qu’une vision technocratique et irréaliste du marché !

Evidemment, il y aura bien quelques dégats collatéraux comme des personnes à revenus modestes qui se retrouveront avec un immeuble taxable pour des raisons purement factuelles (modification des facteurs locaux comme ça été le cas pour les paysans de l’île de Ré obligés de vendre leur patrimoine pour payer l’ISF!).

Mais, on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs , n’est-ce pas ?

Vous remarquerez quand même que les œuvres d’art ou objets présumés tels ne sont toujours pas assujettis, car, en France, on préfère taxer les revenus du travail et de l’épargne que les œuvres d’art à l’utilité économique tout de même plus que marginale et qui servent surtout à flatter l’ego de leurs propriétaires !

On a les critères de son idéologie et c’est ce qu’on appelle une fiscalité ciblée !

Le petit retraité qui perçoit 1.300 € par mois de pension sera finalement heureux d’apprendre que, lui, il doit contribuer à la solidarité dont est dispensé l’acheteur d’un tableau à 40 millions d’€ !

Nous sommes en fait en face d’une espèce de moloch qui dévore progressivement et en pure perte la richesse des français accumulée depuis 2.000 ans et on atteint désormais les limites de la redistribution et de la solidarité ; arguments utilisés depuis plus de 30 ans pour permettre à l’État de régenter la vie des français et de spolier sans vergogne !

Il est bon de rappeler ce qu’en disait Frédéric Bastiat au 19°s « l’État c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde » !

La marge de manœuvre diminue et nécessairement arrivera le moment où il n’y aura plus de marge de manœuvre du tout !

Seulement, il est exclu que la France, pays des droits l’homme, phare de la civilisation, fondateur de l’Europe etc … fasse défaut ou faillite car le défaut signifie le bannissement des marchés internationaux de capitaux pour de très longues périodes !

Le dernier défaut français, qui remonte à 1797, a évincé la France des marchés pendant au moins 50 ans !

En outre, aucun politicien français, surtout s’il est haut fonctionnaire, ne prendra une telle responsabilité devant l’Histoire !

Il n’y aura donc qu’une solution : le bas de laine des français à hauteur de 5 à 20% du montant des dépôts en fonction des besoins ! Sur 6.000 mds € estimés cela nous fait donc entre 300 mds et 1.200 mds € de prélèvement ; de quoi éponger sérieusement cette maudite dette !

Surtout, ayez bien à l’esprit que cette ponction se fera sur tous les comptes, courants, PEL, PEA, Livret A, LDD et autres car, quitte à spolier, autant en prendre un maximum; surtout que ce sera une opération « one shot » c’est à dire à un seul coup car, forcément, après les français vont se méfier et agir en conséquence !

Les heures les plus graves sont devant nous car, après l’argument de la solidarité, ce sera celui de la nécessité … de l’État !

Bien cordialement à tous !

Απο την Ελλαδα (de Grèce)

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A propos Dominique Philos

Navigateur, né en 1958, après un DEA de droit commercial de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, je suis devenu Conseil Juridique, spécialisé en droit des affaires et fiscalité. L'Etat ayant décidé l'absorption des Conseils juridiques par les avocats, j'ai poursuivi mon activité en tant qu'avocat jusqu'à ce que je sois excédé par les difficultés mises à l'exercice de mon activité professionnelle. J'ai démissionné du Barreau en 1998 et partage désormais ma vie entre la France et la Grèce. Européen convaincu, je suis persuadé que le libéralisme est la seule option possible en matière économique.

5 réflexions sur « L’immobilier nouvel Eldorado fiscal ? »

  1. L’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a soulevé et soulève encore beaucoup de
    débats en France faute de ne pas distinguer la cassette d’HARPAGON de MOLIERE et la fable du laboureur de LA FONTAINE.

    Par essence, il semble qu’un impôt sur le capital soit une position de gauche, alors que le libéralisme défend, par principe, l’absence d’impôt sur la
    détention de capital.

    Pourtant, en France, la création d’un impôt sur le capital, est défendue depuis longtemps par Maurice Allais qui était de gauche publiant dans les journaux socialistes.

    Pour Maurice Allais (1946, 1947, 1960, 1966, 1977, 1979, 1990 …), la réforme fiscale (associée à une réforme monétaire) renvoie à la question de la justice sociale (Diemer, Guillemin, 2010).

    Il s’agit plus précisément d’éliminer le mal qui ronge l’économie de marché et la propriété privée, à savoir l’existence de revenus non gagnés, principalement la rente foncière, les intérêts purs des capitaux et les rentes inflationnistes. Ces revenus doivent disparaître car ils ne correspondent pas à un service rendu.

  2. entendu de la part d’un rustre de Bercy :

    – si vous ne payez pas vos impôts, taxes et amendes, on va vous vendre votre sale bicoque . . .

    L’immobilier pour eux est LE moyen de chantage le plus efficace qui soit !

  3. Merci pour cet article qui fait une analyse documentée de la situation. Par contre, je n’en partage pas complètement la conclusion car il ne me semble pas envisageable qu’une ponction touche tous les comptes en banque (comptes courants et comptes d’épargne), c’est-à-dire tout un chacun de manière collective. L’Etat préfèrera poursuivre sa prédation avec sa méthode fiscale qui consiste à atteindre chacun individuellement dans un isolement propice à sa vulnérabilité.

    Maintenant que l’Etat ne fait plus illusion et que ses procédés sont mis à jour, il n’a plus rien à cacher et se montre ouvertement cynique. La fiscalité est clairement destinée à être de plus en plus confiscatoire, avec l’objectif de dépouiller les Français de tout, de les convaincre d’être “libérés” de la propriété pour n’être plus propriétaires de rien, et qu’ils finissent par être chassés de leur territoire ou réduits à l’état d’esclave interchangeable à la merci d’un Etat qui est leur principal ennemi.

    Quand un Etat est l’ennemi de la population, cela s’appelle une dictature. La question est de savoir comment s’en libérer sans en mourir. Une guerre civile ouverte n’est pas la solution. Cela arrangerait trop les manigances de la parasitocratie qui gangrène le pays. La difficulté que nous avons à nous en débarrasser tient au fait que le système politique français est d’une grande perversité. C’est un système très bien conçu pour rendre chacun ennemi de son prochain au profit d’un tiers qui tire les marrons du feu.

    Comme toutes les fourberies du système sont devenues très visibles, plus personne ne veut jouer le jeu et le système est complètement bloqué. Forcer au déblocage en remplaçant la fourberie par la violence du cynisme ne fera que casser les rouages au lieu de les débloquer. C’est l’objectif visé. De ce point de vue, Macron est juste le chef d’une bande de casseurs bien décidés à se livrer à un vrai jeu de massacre, soit l’équivalent d’une guerre avec le chaos que cela implique dans l’espoir naïf que la chrysalide « France » se transforme en papillon. Comme ce raisonnement est très théorique, ils jouent aux apprentis sorciers et il nous revient de les empêcher. Comment ? Si nous sommes assez intelligents, nous trouverons. Sinon, nous disparaîtrons, sans regret, sans rancune, bon débarras.

    Quand je vois le niveau d’imbécillité atteint par la représentation nationale avec le vote de lois comme, par exemple, celle du prélèvement à la source, qui vient d’être ajournée fin septembre, tant son absurdité la rendait inapplicable, je m’interroge sur la pertinence de notre démocratie représentative. Car l’Administration, dans son irresponsabilité, propose des lois inapplicables que nos députés votent sans s’apercevoir de leur absurdité : ils votent n’importe quoi sans savoir ce qu’ils votent. Comme s’ils étaient analphabètes. Il vaudrait mieux avoir très peu de représentants qui votent très peu de nouvelles lois et beaucoup de suppression de lois anciennes superflues, dans le cadre d’un Etat limité strictement à ses fonctions régalienne de police, justice et défense. Quand un Etat atteint à ce point son seuil d’incompétence, il doit se recentrer sur ce qu’il est censé savoir faire au lieu de s’en dispenser et de priver le pays d’un Etat digne de ce nom.

    Dans ce contexte, essorer l’immobilier, comme il est abusivement prévu, ne fera qu’apporter plus d’eau au moulin d’un Etat délirant pour qu’il empire dans son délire.

  4. Les discussions sur l’impôt sur la fortune (ISF), d’autres sur les différences entre le capital fixe (ou foncier (et le capital circulant (ou investi) sont fort anciennes. Nous avons tendance à oublier certaines d’entre elles. Petit rappel.

    L’IMPOT SUR LE CAPITAL ET LA GRANDE REFORME FISCALE SELON JUSTIN MENIER ET MAURICE ALLAIS

    Sous la plume de Maurice Allais, le principe de l’impôt sur le capital apparaît, pour la première fois, dans le troisième chapitre d’Abondance ou Misère (1946), consacré aux Propositions concrètes pour un retour à l’efficacité économique dans le cadre d’une répartition acceptable.

    Mais d’autres économistes bien avant lui en avaient formulé la proposition : Turgot, par l’intermédiaire de son secrétaire Condorcet avec Lincoln est à l’origine de la Property Tax américaine, Justin Menier sollicité de proposer une réforme au moment de payer la rançon exigée par Bismarck en 1871.

    Maurice Allais propose de « Remplacer l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux par un impôt annuel uniforme sur tous les capitaux (actions, obligations, capitaux fonciers, industriels et commerciaux, fonds d’Etat), d’une valeur égale à la hausse du taux d’intérêt du marché, et cela indépendamment des revenus effectifs des capitaux » (1946, p. 45-46).

    Une telle opération a pour objet de confisquer au profit de la collectivité, la rente provenant de la rareté des capitaux (investis dans l’immobilier).

    C’est la politique ébauchée par Macron lequel, sur ce point précis, devrait être soutenu.

    Pour Maurice Allais, un tel principe entraîne deux conséquences importantes :

    1° La possibilité de gains anormaux disparaissant, l’impôt sur les bénéfices et l’impôt progressif sur le revenu ne se justifient plus (1946, p. 75).

    2° certaines entreprises doivent acquitter l’impôt bien qu’elles soient déficitaires (1946, p. 82).

    Durant l’année 1948, Maurice Allais cherchera à préciser les grandes lignes de cette proposition dans un texte intitulé « Avantages décisifs d’un impôt annuel sur le capital » et publié sous la forme de quatre articles dans le journal (socialiste) le Populaire (18 et 19 novembre, 22 et 23 décembre).
    En novembre de cette même année, Maurice Allais fera paraître un texte intitulé Les problèmes économiques et sociaux de l’heure et leurs solutions dans le Bulletin des transports et du Commerce.

    Après avoir identifié cinq problèmes (monétaire ; productivité ; répartition ; promotion sociale ; unité européenne), notre ingénieur économiste note qu’une répartition des revenus conforme à l’idéal de justice doit être telle que tout revenu corresponde à un service rendu et effectivement utile à la collectivité.

    Un tel principe exclut la perception de tout revenu correspondant à une rente de rareté (rentes foncières et intérêts purs des capitaux) ou à une rente gratuite (revenus inflationnistes et revenus monopolistiques).

    Dans le courant de l’année 1949, Maurice Allais exposera les principes généraux, les modalités d’application et les incidences de l’impôt sur le capital lors d’une conférence intitulée « La conciliation du libéralisme et du socialisme par l’impôt sur le capital » et exposée lors d’une séance du Groupe de Recherches Economiques et Sociales (4 janvier).

    C’est durant cette année (plus précisément en novembre) qu’il prendra connaissance de l’ouvrage publié par Justin Menier (1874), Théorie et application de l’impôt sur le capital.

    Le fabricant des chocolats (Menier sous aluminium( entendait démontrer que les oppositions à l’impôt sur le capital partaient toutes d’une mauvaise définition de son assiette :

    Menier ose dire : « C’est là une grave erreur. Ce n’est pas parce que l’impôt porte sur le capital qu’il empêche la richesse d’augmenter. C’est parce qu’au lieu de porter directement sur le capital fixe, qui représente une richesse déjà acquise, il porte, en ce moment, sur le capital circulant qui représente la richesse en formation. »

    Autrement dit les impôts actuels créent un obstacle à l’acquisition des biens immobiliers.
    L’impôt, frappé sur le capital fixe, laissera le capital circulant se développer à l’aise

    Ce n’est que lorsqu’il a accompli toutes ses fonctions qu’il est frappé par l’impôt » (1874, p. 480).

    Justin Menier fait ainsi reposer toute son argumentation sur la distinction entre capital fixe et capital circulant.

    Et sur les échanges entre ces deux capitaux !

    Le capital fixe serait un résultat passé (certain et stable, il peut être défini avec « une précision scientifique ») susceptible de créer la richesse de demain.

    Le capital circulant serait un résultat futur qui a besoin du capital fixe pour former la richesse de la nation.

    Ainsi, l’impôt sur le capital ne viserait pas la circulation du capital (celle-ci est complètement libre), il serait assis sur une base palpable, le capital fixe.

    Il porterait sur l’ensemble du capital de la nation, et non sur les hommes, ce qui en ferait « un impôt de répartition » (1874, p. 496). … Menier suggérera un projet de loi destiné à exposer l’ensemble de son système, une manière de passer de la théorie à la pratique et de donner un certain poids à l’expérience (le système n’est pas parfait, il doit s’adapter par touches successives).

    Projet de loi (1874, p. 502 – 505)

    Art 1er. L’impôt est unique et établi sur le capital
    Art 2. Sont capitaux fixes, toutes les utilités dont le produit ne détruit pas l’identité, c’est-à-dire : le sol, les constructions, les machines, les outillages, les navires, les voitures, les animaux servant à l’exploitation, les ustensiles de ménage, les meubles, les objets d’arts lorsqu’ils ne sont pas à l’état de marchandises destinées au commerce.
    Art 3. L’impôt est réparti entre les contribuables au prorata de la valeur vénale des capitaux fixes qu’ils possèdent…
    Art 4. ….
    Art 5. ….
    Art 6. …..
    Art 7. …
    Art 8. …
    Art 9. La cotisation de chaque contribuable est divisée en douze portions égales et payables de mois en mois…
    Art 10. L’impôt, ne portant que sur le capital, est dû par le propriétaire. Il porte sur la totalité du capital, sans tenir compte des charges et des dettes dont il peut être grevé.
    Art 11. ….
    Art 12. …
    Art 13. …. L’impôt sur le capital serait un impôt unique (taux de 1/1000), qui se substituerait à tous les autres impôts. Il serait perçu non par l’Etat (« et sa lourde armée d’employés ») mais par des banques régionales (la concurrence évite toute forme de monopole et tout fonctionnement routinier) mandatées par ce dernier.
    L’impôt sur le capital n’ayant jamais été appliqué
    L’impôt sur le capital n’ayant jamais été appliqué, un premier essai permettrait de dresser l’inventaire du capital de la France (Menier évalue à 200 milliards, la richesse de la France, ce qui permettrait de dégager un impôt de 200 millions).
    Par touches successives (hausse du taux : 2/1000), la réforme fiscale finirait par opérer la transition entre l’ancien régime fiscal et le système complet de l’impôt sur le capital.
    Cette réforme préconisée par Menier constitue le point d’ancrage des travaux de Maurice Allais.
    Une manière de rappeler que même si l’impôt sur le capital n’a jamais été complètement appliqué, de nombreux projets ont vu le jour.
    Par la suite, l’analyse théorique et pratique des incidences de l’impôt sur le capital fera l’objet de nombreuses discussions au cours des Congrès de la Société d’Econométrie de Varèse, les 6 et 7 septembre 1950 et de la Société Internationale du Mont Pèlerin de Stresa, les 3-8 septembre 1965, ainsi que dans le cadre des séminaires du CNRS.
    En 1966, Maurice Allais publiera dans la revue Droit Social, un mémoire intitulé L’impôt sur le capital, réunissant l’ensemble de ses contributions sur le sujet. Ce mémoire – qui fera l’objet de trois discussions au cours des séminaires du CNRS (3, 10 et 20 mars 1967) – sera réédité dans son ouvrage de 1977, l’impôt sur le capital et la réforme monétaire.
    Maurice Allais (1990) proposera de généraliser sa Réforme de la fiscalité aux douze pays membres de la Communauté européenne. L’impôt sur le capital se fond ainsi dans un vaste projet de réforme fiscale.
    Cette fiscalité tripolaire serait composée d’une taxe sur le capital (de l’ordre de 2% par an) assise sur les seuls biens physiques (le produit de cet impôt est estimé à 8% du revenu national) ; de l’attribution à l’Etat de tous les profits provenant de la création de nouveaux moyens de paiement par le mécanisme de crédit (évaluée à 4.4% du revenu national) et d’une taxe générale sur la valeur des biens de consommation (soit 16.9% du revenu national).
    Les modalités d’application de l’impôt sur le capital seront exposées avec précision, et nous devons nous y arrêter quelques instants car elles traduisent bien l’esprit des réformes préconisées par Maurice Allais :
    « L’impôt ne serait payé que par les détenteurs de biens physiques et non par les détenteurs de créances, actions, obligations, etc.
    Il ne porterait donc que sur les terres, les immeubles et les équipements situés en France. L’impôt serait payé quelle que soit la nature du détenteur direct, qu’il s’agisse de personnes physiques, ou de personnes morales, de sociétés privées ou de sociétés nationalisées, de nationaux ou d’étrangers.
    L’impôt aurait un caractère forfaitaire et il serait dû qu’il y ait ou non revenu effectif et compte tenu des hypothèques dont les biens pourraient être grevés. Aucune exemption ne serait admise.
    Les biens physiques détenus directement par l’Etat (routes, canaux, ports, immeubles publics…) seraient déchargés de tout impôt.
    Tous les droits à des monopoles exercés en application de la loi, par des personnes privées, physiques ou morales, seraient taxés. Les achats et ventes d’or pourraient être frappés d’une taxe.
    Les actions et les obligations privées ou publiques, et d’une manière générale toutes les créances, seraient déchargées de tout impôt, qu’il s’agisse d’impôts sur le revenu ou d’impôts sur les gains ou les plus-values en capital. Il en serait de même des brevets et des droits d’auteurs.
    Les liquidités, sous forme de monnaie manuelle ou de dépôts à vue, ne supporteraient aucun impôt. Le capital moral d’une entreprise (savoir-faire, clientèle, réputation etc.) ne serait pas taxé. Seuls les biens physiques qu’elle possède le seraient » (1977, p. 104).
    Cette citation appelle plusieurs commentaires.
    – Tout d’abord l’impôt sur le capital est un impôt de substitution, et non pas d’addition.
    Il remplacera l’impôt progressif sur le revenu, les impôts sur les bénéfices industriels et commerciaux, les impôts sur les successions, les impôts sur la propriété et sur les plus-values.
    D’une manière générale il doit remplacer tous les impôts sur les revenus et les propriétés perçus aussi bien par l’Etat que par les collectivités locales. –
    Ensuite, cet impôt est assis sur les seuls biens physiques à l’exclusion des créances. Maurice Allais considérait que les créances ainsi que les droits sur les biens physiques, obligations ou actions, ne devaient pas être frappés par l’impôt, ceci revenait en effet à imposer deux fois le même capital :
    « Comme l’impôt sur le capital serait assis sur les biens physiques détenus par les sociétés, il convient de ne pas imposer les actions qui représentent des titres de propriété sur les actifs des sociétés. Le principe de l’exclusion de toute double imposition, qui correspond à la double exigence de l’efficacité et de l’équité, conduit donc à l’exclusion des valeurs mobilières de la fiscalité envisagée » (1979, p. 30).
    – Enfin, les modalités de déclaration de la valeur des biens physiques sont clairement définies. Chaque propriétaire de biens imposables devra remplir une déclaration annuelle dont la valeur sera « acceptée sans discussion ni contestation d’aucune sorte par l’administration » (1977, p. 105).
    En ce qui concerne les terres et les immeubles, Maurice Allais propose des modalités d’évaluation de la valeur de l’assiette fiscale libérales et non inquisitoires.
    Cette pratique n’entraînera aucune fraude si « on prévoit la possibilité d’achat par des tiers de cette propriété à condition qu’ils surenchérissent avec une majoration qui au départ pourrait être de 50% ou même 100% et plus » (1979, p. 35).
    Maurice Allais reprend ici l’idée d’Émile de Girardin pour garantir une évaluation juste de la valeur des capitaux : le droit de préemption.
    Le droit de préemption oblige le propriétaire du capital à vendre son bien à la valeur qu’il a lui-même déclarée à tout acheteur qui le demande. S’il refusait de vendre, le propriétaire aurait la possibilité de garder sa propriété à condition de réviser sa déclaration et de payer une amende relativement faible qui sera partagée entre le fisc et le surenchérisseur.
    Avec un système de ce genre, le marché lui-même fixe la valeur des biens et chaque propriétaire est incité à déclarer une valeur pour son bien correspondant à son prix de marché.
    Chacun paie l’impôt qui correspond au capital qu’il détient. Il n’y aucun arbitraire ni aucune inquisition; l’impôt devient une prime d’assurance que l’on paie pour une libre jouissance de ce que l’on a.
    Pour les biens d’équipement (réfrigérateur, machine d’usine), Maurice Allais suggère d’acquitter l’impôt en une seule fois au moment de leur achat, en s’appuyant sur le principe de la capitalisation (valeur que les contribuables auraient à payer dans l’avenir au titre de l’impôt sur le capital).
    Mais ce qui retient surtout l’attention du lecteur, c’est la conviction de l’auteur qui l’amène à exposer en détail tous les avantages de ses propositions et à réfuter une à une toutes les objections dont elles pourraient faire l’objet (Montbrial, 1987).
    Tout d’abord, l’impôt sur le capital est plus juste. Alors que l’impôt sur le revenu frappe indistinctement et aveuglément toutes les catégories de revenus, l’impôt sur le capital porte seulement sur les rentes foncières et les intérêts purs, c’est-à-dire les revenus non gagnés.
    Par cette réforme, les revenus du travail associés à de réelles capacités et aptitudes, la rémunération des entrepreneurs liée à la prise de risques et les revenus des retraités ne seraient plus imposés.
    Ensuite, le principe de l’égalité devant l’impôt étant rétabli, les entreprises inefficaces et mal gérées n’échapperaient pas à l’impôt sur le capital ; les impôts sur la fortune, sur les droits de succession et sur les plus-values du gouvernement français, tous trois déraisonnables et antiéconomiques, n’auraient plus aucun intérêt.
    …. Maurice Allais est revenu sur les iniquités engendrées par ces trois impôts.
    L’impôt sur la fortune et l’impôt sur les plus-values ne peuvent qu’engendrer des réactions émotionnelles, car ils sont purement subjectifs, démagogiques : « Quelle est la définition des grosses fortunes ? Où est la frontière à partir de laquelle l’imposition commence ? Pourquoi seul le capital des particuliers serait-il imposé ?… » (1979, p. 41)…
    L’impôt sur les successions serait quant à lui discriminatoire. Rappelant … que « la possibilité de transmettre ses biens à ses enfants est un effet stimulant généralement aussi efficace et souvent bien plus efficace que la perspective des avantages à en tirer personnellement », Maurice Allais met en avant l’idée que l’impôt sur les successions serait une grave atteinte à la liberté individuelle et à la constitution d’une épargne par les plus capables (théorie des élites).
    Enfin, l’impôt sur le capital exercerait un « effet dynamique extrêmement puissant sur l’efficacité générale de l’économie » (1979, p. 36).
    Du fait de la suppression parallèle, et pour un montant correspondant, de la taxation des bénéfices industriels et commerciaux, et de l’imposition progressive sur les revenus, l’incitation à investir augmenterait considérablement.
    Notre pays deviendrait un paradis fiscal pour ceux qui travaillent
    En effet, le revenu net actualisé, résultant de la différence entre les coûts (en baisse) et les recettes attendues (identiques) augmenterait considérablement.
    Les entreprises seraient même incitées, et ce malgré l’impôt sur le capital, à procéder à nouveaux investissements financés par emprunts obligataires (la marge entre le taux d’intérêt et le taux de rentabilité espéré augmentant, les entreprises pourraient même accepter de prendre des risques plus importants).
    Par ailleurs, les capitaux (circulants) prendraient la valeur qui correspondrait à leur meilleure utilisation possible dans tous les emplois alternatifs, valeur généralement plus grande que leur valeur actuelle.
    Cet avantage de l’impôt sur le capital doit être mis en relation avec la théorie des élites et la promotion sociale de Maurice Allais. L’impôt doit en effet favoriser l’accession des plus capables à la fortune et au pouvoir économique : « le système actuel favorise le maintien du statu quo même lorsqu’il ne se justifie plus. Il donne des avantages injustifiés aux féodalités ploutocratiques au détriment de la promotion de nouvelles élites, et de ce fait, il est réactionnaire et antidémocratique …
    L’impôt progressif sur le revenu pénalise les plus capables et favorise indûment les moins capables en les affranchissant de l’impôt. Il constitue un obstacle à l’ascension sociale des élites » (1979, p. 38).
    En d’autres termes, les biens capitaux tendraient à venir sous le contrôle de ceux entre les mains desquels ils auraient la plus grande valeur, c’est-à-dire de ceux entre les mains desquels ils seraient utilisés au mieux.
    La réforme de la fiscalité ne constitue cependant que l’un des trois éléments d’une réforme plus vaste, les deux autres étant constituées par une réforme du crédit rendant impossible la création ex nihilo des moyens de paiement par les banques et par une réforme de la législation sur l’indexation prévoyant une indexation généralisée de tous les engagements sur l’avenir.
    CONCLUSION
    Si Maurice Allais se présente comme un défenseur de l’économie libérale, il ne peut être considéré comme un fondamentaliste du libéralisme. Autrement dit, le libéralisme de Maurice Allais doit être nuancé. Bien que convaincu que le libéralisme est plus efficace économiquement et socialement que le collectivisme, il n’accepte pas la thèse de l’effacement de l’Etat du champ économique. Au contraire, une économie libérale ne peut fonctionner correctement et donc remplir ses objectifs économiques et éthiques que si l’Etat joue son rôle en définissant les règles du jeu. L’économie de marché est indissociable d’une armature législative et juridique. En l’absence de celle-ci, l’économie de marché ne peut que se travestir en un simulacre inefficace et immoral.

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